mercredi, juin 06, 2007

"L'amour des baleines" de Greenpeace - 11

Bien que la série "Whale-Love Wagon" de Greenpeace se soit achevée il y a environ deux mois, cette ONG a fait appel à un animateur japonais pour créer un dessin animé contre la chasse à la baleine au Japon. Ce court-métrage d'animation s'intitule "Man & Whale" ("kôchô-sensei to kujira 校長先生とクジラ" en japonais). Il nous raconte l'histoire d'un directeur d'école qui est hanté par la dette qu'il a envers les baleines qui ont fournis des protéines animales au Japonais lors de la période de disette, au sortir de la guerre. Lorsqu'il voit une baleine échouée sur la plage située non loin de son école, il accourt pour sauver l'animal. Le message de Greenpeace est simple : les baleines nous (Japonais) ont aidé autrefois, à notre tour de les aider. (La traduction en anglais (les sous-titres) est au passage plus qu'approximative)

Je doute que les gens de Greenpeace Japan soit ignorants à ce point, mais ce film ferme tout simplement les yeux sur le fait que les Japonais ont organisé et continuent encore aujourd'hui d'organiser des rituels funéraires en l'honneur des baleines capturées. Celui organisé tous les ans à Nagato (département de Yamaguchi) est l'un des plus connus au Japon. De même, comme je l'ai déjà évoqué, on trouve également des monuments érigés à la mémoire des cétacés en divers lieux du Japon tels qu'à Katsuyama. Ces pratiques expriment la gratitude des habitants des régions baleinières japonaises envers les baleines pour les ressources qu'elles leur ont apportées.

Toutefois, si on prolonge le raisonnement du dessin animé de Greenpeace, il faudrait arrêter de pêcher de nombreuses espèces de poissons car ils nous ont rendu un sacré service depuis des centaines, voire des milliers d'années. En bref, on a là un bel exemple de la réthorique de Greenpeace qui consiste à désinformer les gens, si ce n'est pas à leur laver la cervelle.
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samedi, juin 02, 2007

59e réunion plénière de la Commission baleinière internationale

La 59e réunion plénière de la Commission baleinière internationale (CBI) s'est achevée le 31 mai dernier à Anchorage en Alaska. Contrairement à l'année précédente, les pays supportant une reprise de la chasse à la baleine n'ont pas réussi à obtenir un vote en leur faveur, malgré des efforts pour trouver des compromis. Cette situation a amené la délégation du Japon à declarer qu'elle n'excluait pas de quitter cette organisation et d'en créer une autre lors du dernier jour des débats.

Lors du premier jour, le comité scientifique de la CBI a présenté son rapport. Si aucune estimation du nombre de rorqual de Minke antarctique (balaenoptera bonaerensis) n'a pu être présentée encore cette année, le comité s'est accordé sur l'augmentation du nombre de baleines bleues et de baleines à bosse dans l'hémisphère sud. Cela montre que les mesures de protection dont ces animaux font l'objet depuis plus de 40 ans (soit bien avant la mise en place du moratoire) portent leurs fruits. A noter que les programmes de recherche japonais en Antarctique, JARPA et JARPA2 ont contribué aux travaux du comité scientifique en apportant d'importantes données. Le comité a toutefois souligné que les populations de baleines franches de l'Atlantique nord (environ 300 individus) et de baleines grises du Pacifique nord-ouest (quelques 120 cétacés) continuaient d'être très menacées, notamment du fait des activités humaines dans leurs habitats (collisions avec des navires, filets de pêche, etc.).

L'ordre du jour de la seconde journée de la réunion comportait principalement les discussions concernant le renouvellement des quotas de chasse aborigène de subsistence. Ces derniers sont généralement établis pour des périodes de 5 ans. Bien que les quotas des Inuits d'Alaska, des Chukotka (Sibérie) et de St Vincent et les Grenadines aient été adoptés par consensus, il n'en a pas été de même pour ceux des populations du Groenland dont les discussions ont été reportées au troisième jour. De même, une proposition d'établissement d'un sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud a été remise au jour suivant.

Le troisième jour des débats a donc commencé sur la proposition de sanctuaire qui a été mise aux votes. Ne pouvant obtenir une majorité des trois quarts (39 votes pour, 29 contre, 3 abstentions), cette proposition n'a donc pas été adoptée. Les discussions concernant les quotas de chasse aborigène de subsistence des populations du Groenland ont suivi, mais en l'absence de progrés, il a été décidé de les remettre au dernier jour pour permettre aux Etats de négocier et de trouver un consensus. Le Japon a ensuite présenté une proposition d'autorisation de chasse baleinière pour quatre de ses communautés côtières (Abashiri, Ayukawa, Wadaura et Taiji). Contrairement à ce que certains médias et ONG ont pu rapporter, il ne s'agissait aucunement de faire passer cette chasse pour une chasse aborigène de subsistence, même si cette activité joue un rôle socioculturel important dans les communautés concernées, notamment lors de fêtes locales (matsuri). En outre, la proposition japonaise comportait des mesures (inspecteurs, etc.) pour permettre le contrôle de cette activité et limiter la consommation des produits de la chasse aux communautés (à l'instar de la chasse aborigène), et supposait la déduction du nombre de rorquals de Minke (balaenoptera acutorostrata) alloué du quota de chasse scientifique dans le Pacifique nord-ouest (programme JARPN2). Le Japon avait également proposé d'abandonner son projet de capturer une cinquantaine de baleine à bosse à partir de cette hiver dans le cadre de son programme JARPA2 (Antarctique). Les discussions n'ayant pas permis de créer un consensus, le Japon a décidé de reporter sa proposition au quatrième et dernier jour de la réunion.

La CBI s'est ensuite penchée sur les permis speciaux de chasse scientifique (article 8 de la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine), précisément les deux programmes japonais et celui de l'Islande. Un rapport des resultats du programme JARPA (1987-2005) a également été présenté. Ces permis spéciaux étant controversés au sein de la CBI, les pays opposés à la chasse ont fait passer une résolution non contraignante et symbolique demandant au Japon (pas à l'Islande!) de retirer son permis spécial pour le programme JARPA2 en Antarctique. Bien que cette résolution ait été adoptée, le vote a été marqué par le refus de participer de 27 pays. Ce n'est pas ce genre de résolutions qui permettra de réduire le fossé entre les deux camps, pro et anti-chasse.

Cependant, la Commission a réussi à se réunir autour d'une résolution sur les questions de sécurité en mer. Cette initiative du Japon et de la Nouvelle-Zélande vient fustiger, sans la citer, les actions périlleuses de l'ONG Sea Shepherd Conservation Society qui avait provoqué plusieurs collisions en haute mer en février dernier.

Le soir du troisième jour, les pays opposés à la chasse ont fait passer une autre résolution sur l'usage non-létal des cétacés, autrement dit en faveur du tourisme baleinier (whale-watching). Là encore, une vingtaine de pays ont refusé de participer au vote. L'intention de ce texte est clairement de détourner la CBI de son mandat, c'est à dire la gestion des populations de grands cétacés et de leur chasse. Les opposants à la chasse baleinière brandissent régulièrement le tourisme baleinier comme substitut économique à cette première. Cependant, ces deux activités ne sont pas totalement incompatibles. Par exemple, dans un récent article de l'AFP, Nagaoka Tomohisa, ancien baleinier reconverti dans le tourisme baleinier à Muroto (Japon), explique que "la chasse à la baleine devrait être autorisée à des peuples comme les Japonais qui ont traditionnellement mangé des baleines comme des poissons". De même, les deux activités coexistent en Norvège et en Islande, malgré les pressions et appels au boycott de certaines ONG.

Le quatrième jour de la réunion a enfin vu l'adoption des quotas pour les gens du Groenland, mais aucun avancement sur la proposition japonaise que la délégation nippone a finalement retirée. Les opposants à la chasse à la baleine ont ensuite fait adopter une résolution relative à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) selon laquelle le moratoire serait encore valable, contredisant donc la déclaration de St Kitts et Nevis de l'année dernière. Encore une fois, le vote de cette résolution a été marqué par la non-participation de 26 pays considérant que celle-ci n'était pas appropriée. Finalement, d'autres sujets d'ordre technique ont été discutes lors de cette journée avant la clôture de la réunion. La prochaine pleinière aura lieu du 23 au 27 juin 2008 à Santiago du Chili.
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