mardi, juillet 29, 2008

L'histoire de la chasse à la baleine au Japon - 9

Je vous propose de poursuivre le récit de l'histoire de la chasse à la baleine au Japon en abordant cette fois-ci la chasse au petits cétacés. C'est en effet à partir de la période moderne que la chasse baleinière japonaise se divise en trois catégories : la chasse pélagique (bosen-shiki en.yô hogei 母船式遠洋捕鯨), la chasse côtière au grands cétacés (ôgata engan hogei 大型沿岸捕鯨) et la chasse côtière aux petits cétacés (kogata engan hogei 小型沿岸捕鯨).

Le début du XXe siècle va aussi voir la modernisation de la chasse côtière au petits cétacés (CCPC). Celle-ci tire ses origines de la tradition qu’avaient les membres des kujiragumi de capturer des espèces de petits cétacés en dehors des saisons de chasse. Ainsi, à Taiji, il était de coutume de chasser les globicéphales qui s’approchaient de la côte, à bord de petites embarcations appelées tento-sen 天渡舟. Cette pratique a joué un rôle particulièrement important pour cette communauté à la fin du XIXe siècle, alors que la chasse aux grandes baleines était dans l’impasse.

En 1904, Maeda Kenzô 前田兼蔵, qui est originaire de Taiji et revient des Etats-Unis, modernise cette chasse aux globicéphales en mettant au point un canon qui permet de tirer trois (plus tard, cinq) harpons simultanément et qu’il fixe à la proue d’un tento-sen. Plus tard, en 1912, ces embarcations seront agrandies et motorisées, rendant la chasse plus efficace. Cependant, la véritable révolution vient de l’idée d’un chasseur de Taiji en 1933, d’équiper un bateau, le Yûkô-maru, avec un canon de type Maeda et un canon lance-harpons norvégien de 26 millimètres. Son objectif : chasser pour la première fois des rorquals de Minke au large d’Ayukawa. Pour ce faire, il utilise d’abord le canon Maeda pour assurer la capture du cétacé, puis l’achève à l’aide du canon norvégien.

Le dépeçage se faisant en empruntant une partie des stations baleinières d’Ayukawa, les succès du Yûkô-maru vont inspirer d’autres chasseurs et de petits navires de 15 à 20 tonnes équipés de canon lance-harpons de 40 millimètres vont faire leur apparition dans les années qui suivent. Ces derniers étant utilisés principalement pour la chasse aux rorquals de Minke, on leur donne le nom de minku-sen ミンク船.

Dans la péninsule de Bôsô, où les pêcheurs avaient coutume de se réunir pour chasser au harpon les baleines à bec de Baird depuis le XVIIe siècle, cette activité va être reprise et modernisée par les compagnies baleinières qui s’y installent au début du XXe siècle. Profitant de la tradition et des coutumes baleinières de cette région, ces compagnies n’auront aucun mal à engager une main d’œuvre qualifiée, notamment pour le dépeçage, et à tirer profit du marché local pour les produits de la chasse. Plus tard, les minku-sen seront aussi employés pour capturer les baleines à bec de Baird.

Contrairement aux deux autres types de chasse à la baleine, la chasse côtière aux petits cétacés ne subira que très peu l’influence des combats de la Guerre du Pacifique du fait que les petits navires utilisés n’ont quasiment aucun intérêt militaire. De ce fait, cette activité attirera beaucoup de convoitises et le nombre de petits baleiniers augmentera durant les années de guerre.

A suivre...
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mercredi, juillet 23, 2008

Reconstitution de chasse traditionnelle à la baleine à Kayoi

Le lundi 21 juillet dernier s'est tenu dans le port de Kayoi (ville de Nagato, département de Yamaguchi) la fête de la baleine, Kayoi kujira-matsuri 通くじら祭り. Cette fête se compose de courses de barques japonaises, d'une reconstitution de chasse traditionnelle à la baleine et d'autres divertissements comme un spectacle représentant le combat entre Miyamoto Musashi et Sasaki Kojirô. Des étudiants de l'Université de Yamaguchi et de Corée du Sud était également présents, apportant l'énergie de leur jeunesse aux habitants du petit port de pêche.

La fête de la baleine de Kayoi a commencé en 1992, année marquant le 300e anniversaire de l'érection de la tombe des baleines (voir ici). Depuis 2006, la participation au clou du spectacle que constitue la reconstitution de chasse traditionnelle à la baleine est ouverte au public. Cette reconstitution se base sur la façon dont la chasse était pratiquée à Kayoi durant la période d'Edo. Quatre embarcations à bord de chacune desquelles se trouvent douze hommes vêtus uniquement d'un pagne dit fundoshi 褌 pourchassent une maquette de baleine de 13 mètres à travers le port. Après avoir "mis à mort" l'animal et l'avoir remorqué vers le port, les chasseurs découvrent un fœtus dans le ventre de la baleine.



Une cérémonie est alors organisée devant une maquette de la tombe des baleines placée devant le musée de la baleine de Kayoi. Des élèves de l'école primaire locale entonnent des chants baleiniers devant la tombe et le baleineau. Derrière eux, les hommes ayant participé à la chasse se tiennent assis en silence. Bien que cette fête ne soient organisée que depuis 16 ans, elle témoigne du fort désir des gens de Kayoi de garder leur patrimoine spirituel vivant et de le partager avec les autres. La distribution de soupe de baleine (kujira-jiru くじら汁) après la cérémonie montre également l'attachement local à la consommation de viande de baleine.

Lors de mon second séjour à Kayoi, j'ai fait un tour au musée de la baleine où sont exposés depuis le 7 juin dernier des peintures représentant la chasse à la baleine dans le port de Kawajiri, à quelques kilomètres à l'ouest de Kayoi. Ces peintures avaient apparemment été récupérées par un Anglais après la défaite du Japon en 1945, avant de se retrouver en Afrique du Sud. Ces dessins ressemblent beaucoup à ceux de l'Isanatori ekotoba 勇魚取絵詞 (1829) du clan Masutomi d'Ikitsuki, et je ne serais pas surpris d'apprendre que l'auteur des dessins de Kawajiri se soit inspirés de cette dernière œuvre. Le directeur du musée, M. Fujii a eu la gentillesse de me guider jusqu'au port de Kawajiri et de me présenter le lieu où le kujiragumi local dépeçait les baleines jusqu'en 1909 ainsi qu'une stèle funéraire dédiée aux baleine.
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vendredi, juillet 18, 2008

Petits pois et bacon de baleine - suite de l'épilogue

Comme je l'expliquais précédemment, Greenpeace avait accusé douze membres d'équipage du Nisshin-maru de détourner illégalement de la viande de baleine pour alimenter un marché parallèle. Pour prouver leurs dires, deux activistes de Greenpeace Japan avaient subtilisé un colis envoyé par l'un de ces marins à destination de son domicile lors de son transfert dans un centre de tri de la compagnie de transport Seinô. Malheureusement pour Greenpeace, le parquet de Tokyo a abandonné l'enquête le 20 juin dernier, ne disposant d'aucun soupçon à l'encontre des douze marins incriminés.

Dans le même temps, la compagnie Seino portait plainte auprès de la police d'Aomori pour le vol du colis. Les deux activistes de Greenpeace, Satô Jun.chi et Suzuki Tohru ont par conséquent été arrêtés le 20 juin, en même temps que la police saisissait leurs domiciles et les locaux de Greenpeace Japan à Tokyo. Après leur transfert vers Aomori, les deux suspects ont été placés en garde à vue sans chef d'accusation pendant 21 jours. Ils ont ensuite été accusés de vol et de violation de propriété privée le 11 juillet. Le tribunal d'Aomori a accepté leur demande de mise en liberté sous caution le 15 juillet. Le montant de la caution est de 8.000.000 Yen (environ 48.000 Euros), payés le jour-même par Greenpeace.

Malgré le fait que le parquet de Tokyo ait abandonné son enquête, faute de soupçons à l'encontre des 12 marins de la compagnie Kyôdô Senpaku, Greenpeace continue de prétendre qu'il y a un trafic de viande de baleine. Ils ont également fait appel à leurs supporters de par le monde pour signer une pétition demandant la libération de leurs deux activistes "injustement" arrêtés. Autrement dit, l'ONG essaye coûte que coûte de sauver la face. Cela se fait au détriment de leurs supporters qui sont désinformés. C'est dans ce contexte que la société maritime Kyôdô Senpaku a aujourd'hui rendues publiques les conclusions de l'enquête qu'elle a menée en interne sur les accusations de détournement et présentées au Ministère japonais de l'Agriculture, de la pêche et des forêts. Il y a un communiqué de presse en anglais et en japonais. Voici une traduction du communiqué japonais :

Rapport concernant les questions autour de la viande de baleine

Nous présentons ci-dessous les résultats de l’enquête concernant l’accusation faite par Greenpeace Japan auprès du parquet de Tokyo selon laquelle 12 membres de l’équipage du Nisshin-maru qui a participé au programme de recherche sur les cétacés en Antarctique conduit par l’ICR auraient détourné en grande quantité du bacon de baleine résultant de la recherche.
Nous présentons également les mesures que nous avons décidé de prendre pour assurer la transparence quant à la distribution de viande de baleine à nos marins.

I. Résultat de l’enquête
1. Le bacon de baleine salé que Greenpeace Japan a emporté en tant que "preuve" du centre de tri de la compagnie de transport Seinô à Aomori a été envoyé à destination de son domicile par un employé de l’usine du Nisshin-maru (52 ans, domicilié à Hakodate). Du bacon de baleine est offert à tous les membres d’équipage’ du Nisshin-maru en tant que cadeau lors de leur débarquement, mais cet envoi comprenait également les parts que des collègues ont cédée à cet employé. (Tous les ans, Kyôdô Senpaku achète de la viande de baleine à l’Institut japonais de recherche sur les cétacés et distribue en tant que cadeau 8 kilos de bacon de baleine salé et 1,6 kilos de viande (rouge) de baleine en morceaux à chacun de ses marins lors du débarquement)

2. Les prix de la viande de baleine étant déterminé par l’ICR après la fin de la recherche (généralement en juin), ils ne sont pas encore fixés lorsque la viande de baleine est distribuée en tant que cadeau aux membres d’équipage et la transaction avec l’ICR se fait sur la base des prix de l’année précédente.

3. Kyôdô Senpaku a conduit une enquête quant aux contenus des colis envoyés par chacun des membres d’équipage ayant pris part à la dernière opération de recherche sur les cétacés en Antarctique. Voici les points que cette enquête a révélés :
(a) La quantité de bacon salé réservé aux cadeaux qui a été débarquée est la même que celle produite à bord du navire et aucun produit n’a été emporté sans autorisation.
(b) Après avoir reçu de la viande de baleine en tant que cadeau, certains membres d’équipage l’ont cédée à des collègues car n’en ayant pas besoin.
(c) Aucun membre d’équipage n’a vendu les cadeaux ayant été distribués à des magasins de viande de baleine ou à des établissements de restauration.

II. Mesures à venir
1. La distribution de viande de baleine aux marins et la détermination des prix de ces cadeaux est effectuée en toute équité et de façon adéquate comme expliqué ci-dessus (I.), mais pour assurer la transparence la façon dont la distribution est réalisée sera désormais rendue publique.

2. Concernant la viande distribuée aux membres d’équipage, Kyôdô Senpaku va tout gérer à bord du navire et se charger de faire directement les envois aux adresses de chacun des marins après le débarquement.

3. Concernant l’achat de la viande de baleine destinée à être distribuée comme cadeaux aux membres d’équipage, on employait jusqu’à présent les prix de l’année précédente, mais désormais, le paiement sera fait une fois les prix pour l’année en cours déterminés.

4. En plus des lettres remises actuellement aux employés, l’interdiction de revendre la viande de baleine distribuée va être introduite dans le réglement interne.


Tout ceci devrait conclure l'affaire...sauf probablement pour Greenpeace...lire la suite>>

jeudi, juillet 10, 2008

Conférence de presse de Morishita Jôji (Agence japonaise pour la pêche) - 2 juillet 2008

Le 2 juillet dernier, Morishita Jôji, négociateur de l'Agence japonaise pour la pêche et commissaire délégué du Japon à la CBI, a donné une conférence de presse au Club des correspondants étrangers du Japon. Il y a notamment évoqué les discussions de la dernières réunion plénière de la Commission baleinière internationale à Santiago du Chili. En voici la vidéo (durée env. 56 minutes) :



(Source vidéo : JAN-JAN)

Il répond également à des questions de journalistes étrangers quant à divers sujets relatifs à la chasse à la baleine : l'importation de viande de baleine d'Islande et de Norvège, l'arrestation de deux activistes de Greenpeace, les programmes japonais de recherche sur les cétacés, etc.
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lundi, juillet 07, 2008

Remplacer le programme de recherche sur les cétacés par un programme de recherche globale sur l’environnement de l’océan Austral

J'ai précédemment présenté les opinions de deux personnes impliquées dans le débat sur la chasse à la baleine au Japon, Morishita Jôji de l'Agence japonaise pour la pêche et Ohsumi Seiji de l'Institut japonais de recherche sur les cétacés. Le quotidien Suisan Keizai Shinbun, spécialisé dans les informations relatives aux affaires maritimes, a publié le mois dernier (5 juin) l'opinion de Komatsu Masayuki, ancien commissaire délégué du Japon à la CBI et actuellement professeur au National Graduate Institute for Foreign Policies. Comme il connaît lui aussi bien le sujet de la chasse à la baleine - il a d'ailleurs écrit plusieurs livres dessus -, son point de vue m'a semblé intéressant. Aussi ai-je décidé de présenter une traduction de son article.

Opinion des lecteurs – Komatsu Masayuki (professeur au National Graduate Institute for Policy Studies)
Remplacer le programme de recherche sur les cétacés par un programme de recherche globale sur l’environnement de l’océan Austral
Suisan Keizai, le 5 juin 2008

Le Japon a la responsabilité de présenter les informations de la recherche sur les cétacés en Antarctique

Ces dernières années, d’ importants phénomènes anormaux interviennent dans l’écosystème de l’océan Austral dont les cétacés font partie. C’est on pense, parce que l’environnement de l’océan Austral et des abords de l’Antarctique ont grandement changé. Il nous est possible de saisir les effets du réchauffement climatique dans l’atmosphère et à la surface de la Terre tels que l’élargissement du trou de la couche d’ozone, l’effondrement de la plate-forme glaciaire Larsen B, la diminution de la baie des Baleines formées par les glaces de la mer de Ross ou les importants changements chez les manchots Adélie et les manchots empereurs, mais il est difficile de comprendre ce qui se passe sous la surface de la mer. La découverte des modifications qui ont lieu dans l’eau est rendue possible par des activités de recherche de grande envergure et à long terme. La recherche sur les cétacés en Antarctique commencée en 1987 se base sur l’article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, est mise en oeuvre légalement par le Japon qui est un pays signataire de ce texte, et a apporté des informations très utiles quant à l’écosystème marin de l’océan Austral à la société internationale par le biais du comité scientifique de la Commission baleinière internationale.
Les résultats de vingt ans de recherche tirent la sonnette d’alarme pour l’humanité. Cependant, sans explication précise de ce qui se passe exactement dans l’océan Austral ces dernières années, on peut difficilement dire que le Japon remplit son rôle d’information. Cette recherche est conduite dans l’océan Austral qui est un patrimoine commun de l’humanité et le devoir d’explication du Japon est donc important.

La ruée des baleines vers le Sud

Les baleines à bosse qui vivent en grands nombres dans les eaux au nord du 60e parallèle de latitude Sud se déplacent massivement vers l’océan Austral, en dessous du 60e parallèle Sud où les eaux sont plus froides, du fait de l’augmentation de la température de la mer. Les populations de cette espèce augmentent annuellement de plus de 14%. La biomasse des baleines à bosse représente près du double (dans la zone IV de l’océan Austral) de celle des 760.000 rorquals de Minke. Il s’agit de l’espèce la plus importante dans l’écosystème de l’océan Austral et les informations que procureraient leur capture sont scientifiquement indispensables.
Les populations de rorquals communs aussi augmentent à un rythme de plus de 10% par an dans les eaux au sud du 60e parallèle de latitude Sud. Cependant, les populations de baleines bleues qui comptaient autrefois quelques 330.000 animaux et ne sont plus qu’environ mille aujourd’hui, ainsi que celles des rorquals de Minke que l’on estime à 760.000 bêtes, non seulement n’augmentent pas, mais on observe des anormalités chez certains individus. Ils maigrissent et leur couche de graisse devient plus mince. On constate aussi une diminution des naissances. L’âge des femelles gravides est aussi de plus en plus élevé. En outre, ces animaux vont jusqu’à l’intérieur de la banquise (pack ice). Ces phénomènes sont, on pense, dûs au réchauffement climatique.

Le réchauffement de l’océan Austral

La température atmosphérique de l’Antarctique est montée de trois degrés Celsius lors des cinquante dernières années (côte ouest de la péninsule antarctique). Par ailleurs, les glaces de mer et celles du continent antarctique fondent, faisant progresser la désalinisation de l’eau de mer. Si l’eau dont la densité est moindre du fait d’une faible concentration en sel et d’une température plus élevée stagne, le mélange vertical ne s’opère pas et les courants ascendants s’affaiblissent. Les sels nutritifs tels que les silicates parviennent ainsi difficilement jusqu’à la surface de la mer où a lieu la photosynthèse, et avec la réduction de la couche d’ozone, la production de phytoplancton comme les diatomées diminue. On suppose que le krill antarctique qui s’en nourrit a diminué. Il a été rapporté que le krill antarctique aurait diminué de 75 à 82% autour de la péninsule antarctique depuis 1970 (British Antarctic Survey). Les chalutiers japonais ne rencontrent plus de grandes densité de krill antarctique.

L’utilisation des ressources vivantes marines et le contrôle du réchauffement

La production d’aliments par l’industrie agricole entraîne la déforestation pour créer des champs et l’émission de dioxyde de carbone (CO2) par le bétail. Si on prend la totalité du CO2 sur Terre, 2% se trouve dans l’atmosphère et 98% dans les océans. Par conséquent, stimuler le cycle du CO2 des océans devrait être extrêmement efficace lorsqu’on envisage de rétablir l’équilibre de CO2 sur Terre et réduire celui dû aux échappements.
Dans les océans, le CO2 est assimilé par le phytoplancton puis à travers le le zooplancton, absorbé par les poissons et les cétacés. L’utilisation adéquate par les hommes de ces dernières ressources revient à stimuler l’absorption / dissolution et le cycle du CO2 des océans. Ainsi, les hommes controleraient les émissions de CO2 terrestre (dans l’atmosphère) et contribueraient au contrôle du réchauffement planétaire et donc de celui des océans. Par ailleurs, l’utilisation alimentaire du krill qui représente une ressource de plusieurs dizaines de millions de tonnes est également très importante si l’on considère qu’elle est respectueuse de l’environnement en général.

Vers la mise en oeuvre d’un programme de recherche global sur l’environnement de l’océan Austral

Un programme de recherche accompagné du besoin de vérifier des hypothèses et un raisonnement de grande envergure et ayant pour objectif de contribuer à l’élucidation et la résolution de l’influence du réchauffement climatique à l’échelle planétaire, nécessite l’élaboration d’un projet à long terme et la capacité de l’exécuter. En Antarctique aussi, il est nécessaire de mettre en oeuvre de manière globale l’observation océanographique (sels, température de l’eau, mélange vertical, convection), la recherche sur le phytoplancton et le zooplancton comme le krill antarctique, ainsi que celle sur les manchots et les cétacés qui s’en nourrissent. En ce qui concerne les cétacés, il est indispensable de surveiller la concurrence entre les espèces d’eaux tempérées comme la baleine à bosse et celles d’eaux froides telles que les baleines bleues et les rorquals de Minke antarctiques, ainsi que les changements de caractéristiques physiologiques. Ces activités de recherche devraient contribuer aux mesures pour faire face aux changements environnementaux et au réchauffement planétaire demandées par le monde contemporrain ainsi qu’ à l’élucidation des changements des écosystèmes marins, et aussi remédier à une future pénurie alimentaire.

Création d’un institut de recherche globale sur l’environnement des océans

Avec l’adoption de la Loi fondamentale sur la politique océanique, l’Etat japonais se doit, je pense, de jeter toutes ses forces dans la mise en oeuvre de ces programmes de recherche et de coordonner globalement la recherche et les études conduites jusqu’à présent séparément par l’Université de Tokyo, l’Institut national de recherche sur la pêche pélagique (NRIFSF), l’Institut national de recherche polaire (NIPR), l’Agence japonaise pour la science et la technologie marine-Terre (JAMSTEC) et l’Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR). En particulier, ces instituts et agences devraient créer des liens de coopération et être réorganisés. Le Japon devrait former sur la base de l’ICR, un "institut de recherche globale sur l’environnement des océans" en tant qu’organisme central pour ces recherches et études, et chercher à atteindre une recherche qui répond aux besoins du 21e siècle en invitant des chercheurs de pays étrangers.
Le programme de recherche sur les cétacés en Antarctique actuel devrait être grandement modifié et conduit en tant que "projet de recherche global sur l’environnement de l’océan Austral" dont le but serait de contribuer à l’élucidation des problèmes de réchauffement climatique et de pénurie alimentaire. Il devrait viser une coopération avec les pays qui conduisent actuellement des recherches scientifiques en Antarctique comme la Norvège, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Australie.
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mardi, juillet 01, 2008

60e réunion plénière de la Commission baleinière internationale - rapport

La 60e réunion plénière de la Commission baleinière internationale (CBI) s'est achevée vendredi 27 juin dernier, après 5 jours de débats à Santiago du Chili. Cette réunion a été très différente de celles des années précédentes du fait que le président de la Commission, l'Américain William Hogarth avait demandé aux pays membres d'éviter l'appel au vote et d'adopter les décisions par consensus lorsque cela était possible. Ayant suivi les débats en direct sur internet, je vous propose ci-dessous un compte-rendu des discussions de cette réunion.

Outre les allocutions des ministres chiliens des Affaires étrangères, Alejandro Foxley et de l'Environnement, Ana Lya Uriarte, la première journée a commencé par la traditionnelle adoption de l'ordre du jour. Contrairement aux années précédentes, la délégation japonaise n'a pas demandé le retrait de certains points de l'ordre du jour qu'elle ne considèrent pas du ressort de la CBI tels que les questions relatives aux petits cétacés, démontrant son intention de favoriser le dialogue.

Le comité scientifique a ensuite fait un rapport de ses travaux sur l'évaluation des populations de baleines, notamment les rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis). Le comité cherche en effet à expliquer la différence entre les estimations faites sur la base des résultats des croisières circumpolaires du programme IDCR/SOWER. Malheureusement, seuls les résultats d'une des trois méthodes devant permettre d'éclaircir ce problème n'ayant été présentés, il faudra attendre l'année prochaine pour probablement obtenir une nouvelle estimation du nombre de rorquals de Minke dans l'océan Austral. Le comité scientifique a toutefois expliqué qu'il y avait des preuves positives d'augmentation de plusieurs populations de baleines bleues, de baleines à bosse et de baleines franches dans l'hémisphère sud. Le rapport (en anglais) du comité scientifique peut être consulté sur le site de la CBI.

Il a également été question des problèmes rencontrés pour déterminer précisément l'âge des rorquals de Minke. L'âge des baleines à fanons (mysticètes) est généralement déterminé en comptant les couches de plaque auriculaire cornée de la structure interne de l'oreille des animaux, mais cette méthode semble plus difficile pour les rorquals de Minke. Ces discussions ont été l'occasion pour les pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande de réitérer leur opposition aux programmes de recherche scientifique conduits par le Japon, notamment en Antarctique. La Commission a ensuite fait le point sur les rapports émis par plusieurs pays sur les méthodes de mise à mort et autres questions liées au bien-être des cétacés, ainsi que sur la coopération avec d'autres organismes internationaux comme l'OMI (Organisation maritime internationale) où elle a obtenu le statut d'observateur.

La seconde journée a débuté par une réunion à huis clos à laquelle seules les délégations pouvaient assister. Les discussions qui se sont tenues lors de cette réunion sont résumées dans ce document et portes sur la façon de travailler et les sujets (dont la chasse côtière à la baleine au Japon) qu'abordera un "petit groupe de travail" auquel participeront 24 pays membres d'ici la prochaine réunion plénière. Suite à cette réunion à huit clos, les discussions ont repris avec une présentation du gouverneur de la province de Chubut sur le tourisme baleinier (whale-watching) en Argentine. Le comité scientifique a ensuite présenté l'avancement de ses travaux sur la procédure de gestion révisée (Revised Management Procedure, RMP), notamment pour les stocks de rorquals communs dans l'Atlantique nord.

Le troisième jour a vu la présentation par le Japon des conséquences socio-économiques du moratoire sur ses communautés baleinières. Ce pays sachant qu'il n'y aurait aucun consensus sur ce sujet, il n'y a pas eu de demande de quota et donc pas de vote. A suivi un rapport du président du comité scientifique sur les permis spéciaux pour la recherche scientifique. A cette occasion, la plupart des délégations ont pris la parole sur ce sujet qui est source de division au sein de la CBI. Le Japon a annoncé qu'il ferait une présentation des résultats de son programme de recherche en Antarctique (JARPA) durant la pause déjeuner de cette troisième journée. Le reste de la journée a été consacré à des discussions sur les effets sur les cétacés de facteurs environnementaux et à l'état de conservation de diverses espèces de petits cétacés, avant que six ONG se voient donner l'occasion de faire une intervention de cinq minutes chacune.

Le jour 4 de la réunion plénière est probablement celui qui a apporté la preuve que la tentative menée par William Hogarth pour remettre la CBI dans le droit chemin n'est pas gagnée d'avance. Le principal sujet de discussion était la demande du Danemark d'un quota de dix baleines à bosse pour les Inuits du Groenland occidental. Cette demande avait déjà était faite à Anchorage, l'année précédente, mais le comité scientifique ne pouvant alors émettre d'avis, elle avait été repoussée à cette année. Le comité scientifique ayant émis l'avis que la capture de dix baleines à bosse ne présentait pas de risque pour ces populations, le Danemark a donc réitéré sa demande. Malheureusement, les pays de l'UE (sauf le Danemark) ont annoncé leur opposition à ce quota, expliquant qu'il ne voyait pas de besoins de subsistence. Ceci fait suite à un rapport d'une coalition d'ONG critiquant le fait qu'une partie de la viande des baleines capturées dans le cadre de la chasse aborigène de subsistence finissait dans des supermarchés du Groenland. Le Danemark a fait appel au vote, mais avec 36 votes contre et 29 pour, sa demande a été refusée. Les commentaires des différents pays membres ont ensuite montré que l'opposition est encore très forte au sein de la CBI.

Plusieurs pays dont le Brésil et l'Argentine ont ensuite fait une brève présentation d'une proposition de sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud, mais sachant qu'aucun ne pourrait être atteint sur ce sujet, ils n'ont pas fait de demande. La commission a ensuite traité de divers sujets techniques jusqu'à la cinquième journée. Notons que la première réunion du "petit groupe de travail" a eu lieu vendredi, à l'issue de la plénière.

Bien qu'ils coopèrent aux efforts entrepris par l'actuel président de la CBI, les pays favorables à l'utilisation durable des baleines se sont réunis après les débats de la troisième journée pour discuter des options externes à la Commission, ce qui inclut entre autre l'éventuelle création d'un nouvel organisme de gestion des la chasse à la baleine. Personnellement, je pense que ce qui s'est passé lors de la demande du Danemark montre que les pays anti-baleiniers ne sont pas prêts à faire des concessions. En 2007, à Anchorage, la Belgique avait indiqué qu'elle soutenait pas la demande du Groenland, préférant attendre l'avis du comité scientifique l'année suivante. Apparemment, l'avis du comité scientifique n'a pas suffi et on peut se demander quels sont les critères de ces pays.

La gestion de la chasse à la baleine devrait se faire sur des données scientifiques démontrant que les populations de cétacés ne sont pas mises en danger, et non pour des raisons politiques comme c'est le cas actuellement. Si les pays qui s'opposent à la chasse à la baleine ne sont pas capables d'accepter ceci, il est certain que l'avenir de la CBI est sérieusement compromis. La 61e réunion plénière qui se tiendra à Madeira, au Portugal, nous montrera si c'est le cas.

PS : Si vous voulez en savoir plus sur la façon dont la CBI fait des estimations des populations de baleine, je vous conseille cet article de Richard Black de la BBC. Il est à mon avis le journaliste occidental le plus sérieux dans son traitement de ce sujet épineux.
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