mardi, juillet 01, 2008

60e réunion plénière de la Commission baleinière internationale - rapport

La 60e réunion plénière de la Commission baleinière internationale (CBI) s'est achevée vendredi 27 juin dernier, après 5 jours de débats à Santiago du Chili. Cette réunion a été très différente de celles des années précédentes du fait que le président de la Commission, l'Américain William Hogarth avait demandé aux pays membres d'éviter l'appel au vote et d'adopter les décisions par consensus lorsque cela était possible. Ayant suivi les débats en direct sur internet, je vous propose ci-dessous un compte-rendu des discussions de cette réunion.

Outre les allocutions des ministres chiliens des Affaires étrangères, Alejandro Foxley et de l'Environnement, Ana Lya Uriarte, la première journée a commencé par la traditionnelle adoption de l'ordre du jour. Contrairement aux années précédentes, la délégation japonaise n'a pas demandé le retrait de certains points de l'ordre du jour qu'elle ne considèrent pas du ressort de la CBI tels que les questions relatives aux petits cétacés, démontrant son intention de favoriser le dialogue.

Le comité scientifique a ensuite fait un rapport de ses travaux sur l'évaluation des populations de baleines, notamment les rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis). Le comité cherche en effet à expliquer la différence entre les estimations faites sur la base des résultats des croisières circumpolaires du programme IDCR/SOWER. Malheureusement, seuls les résultats d'une des trois méthodes devant permettre d'éclaircir ce problème n'ayant été présentés, il faudra attendre l'année prochaine pour probablement obtenir une nouvelle estimation du nombre de rorquals de Minke dans l'océan Austral. Le comité scientifique a toutefois expliqué qu'il y avait des preuves positives d'augmentation de plusieurs populations de baleines bleues, de baleines à bosse et de baleines franches dans l'hémisphère sud. Le rapport (en anglais) du comité scientifique peut être consulté sur le site de la CBI.

Il a également été question des problèmes rencontrés pour déterminer précisément l'âge des rorquals de Minke. L'âge des baleines à fanons (mysticètes) est généralement déterminé en comptant les couches de plaque auriculaire cornée de la structure interne de l'oreille des animaux, mais cette méthode semble plus difficile pour les rorquals de Minke. Ces discussions ont été l'occasion pour les pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande de réitérer leur opposition aux programmes de recherche scientifique conduits par le Japon, notamment en Antarctique. La Commission a ensuite fait le point sur les rapports émis par plusieurs pays sur les méthodes de mise à mort et autres questions liées au bien-être des cétacés, ainsi que sur la coopération avec d'autres organismes internationaux comme l'OMI (Organisation maritime internationale) où elle a obtenu le statut d'observateur.

La seconde journée a débuté par une réunion à huis clos à laquelle seules les délégations pouvaient assister. Les discussions qui se sont tenues lors de cette réunion sont résumées dans ce document et portes sur la façon de travailler et les sujets (dont la chasse côtière à la baleine au Japon) qu'abordera un "petit groupe de travail" auquel participeront 24 pays membres d'ici la prochaine réunion plénière. Suite à cette réunion à huit clos, les discussions ont repris avec une présentation du gouverneur de la province de Chubut sur le tourisme baleinier (whale-watching) en Argentine. Le comité scientifique a ensuite présenté l'avancement de ses travaux sur la procédure de gestion révisée (Revised Management Procedure, RMP), notamment pour les stocks de rorquals communs dans l'Atlantique nord.

Le troisième jour a vu la présentation par le Japon des conséquences socio-économiques du moratoire sur ses communautés baleinières. Ce pays sachant qu'il n'y aurait aucun consensus sur ce sujet, il n'y a pas eu de demande de quota et donc pas de vote. A suivi un rapport du président du comité scientifique sur les permis spéciaux pour la recherche scientifique. A cette occasion, la plupart des délégations ont pris la parole sur ce sujet qui est source de division au sein de la CBI. Le Japon a annoncé qu'il ferait une présentation des résultats de son programme de recherche en Antarctique (JARPA) durant la pause déjeuner de cette troisième journée. Le reste de la journée a été consacré à des discussions sur les effets sur les cétacés de facteurs environnementaux et à l'état de conservation de diverses espèces de petits cétacés, avant que six ONG se voient donner l'occasion de faire une intervention de cinq minutes chacune.

Le jour 4 de la réunion plénière est probablement celui qui a apporté la preuve que la tentative menée par William Hogarth pour remettre la CBI dans le droit chemin n'est pas gagnée d'avance. Le principal sujet de discussion était la demande du Danemark d'un quota de dix baleines à bosse pour les Inuits du Groenland occidental. Cette demande avait déjà était faite à Anchorage, l'année précédente, mais le comité scientifique ne pouvant alors émettre d'avis, elle avait été repoussée à cette année. Le comité scientifique ayant émis l'avis que la capture de dix baleines à bosse ne présentait pas de risque pour ces populations, le Danemark a donc réitéré sa demande. Malheureusement, les pays de l'UE (sauf le Danemark) ont annoncé leur opposition à ce quota, expliquant qu'il ne voyait pas de besoins de subsistence. Ceci fait suite à un rapport d'une coalition d'ONG critiquant le fait qu'une partie de la viande des baleines capturées dans le cadre de la chasse aborigène de subsistence finissait dans des supermarchés du Groenland. Le Danemark a fait appel au vote, mais avec 36 votes contre et 29 pour, sa demande a été refusée. Les commentaires des différents pays membres ont ensuite montré que l'opposition est encore très forte au sein de la CBI.

Plusieurs pays dont le Brésil et l'Argentine ont ensuite fait une brève présentation d'une proposition de sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud, mais sachant qu'aucun ne pourrait être atteint sur ce sujet, ils n'ont pas fait de demande. La commission a ensuite traité de divers sujets techniques jusqu'à la cinquième journée. Notons que la première réunion du "petit groupe de travail" a eu lieu vendredi, à l'issue de la plénière.

Bien qu'ils coopèrent aux efforts entrepris par l'actuel président de la CBI, les pays favorables à l'utilisation durable des baleines se sont réunis après les débats de la troisième journée pour discuter des options externes à la Commission, ce qui inclut entre autre l'éventuelle création d'un nouvel organisme de gestion des la chasse à la baleine. Personnellement, je pense que ce qui s'est passé lors de la demande du Danemark montre que les pays anti-baleiniers ne sont pas prêts à faire des concessions. En 2007, à Anchorage, la Belgique avait indiqué qu'elle soutenait pas la demande du Groenland, préférant attendre l'avis du comité scientifique l'année suivante. Apparemment, l'avis du comité scientifique n'a pas suffi et on peut se demander quels sont les critères de ces pays.

La gestion de la chasse à la baleine devrait se faire sur des données scientifiques démontrant que les populations de cétacés ne sont pas mises en danger, et non pour des raisons politiques comme c'est le cas actuellement. Si les pays qui s'opposent à la chasse à la baleine ne sont pas capables d'accepter ceci, il est certain que l'avenir de la CBI est sérieusement compromis. La 61e réunion plénière qui se tiendra à Madeira, au Portugal, nous montrera si c'est le cas.

PS : Si vous voulez en savoir plus sur la façon dont la CBI fait des estimations des populations de baleine, je vous conseille cet article de Richard Black de la BBC. Il est à mon avis le journaliste occidental le plus sérieux dans son traitement de ce sujet épineux.

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