jeudi, mai 28, 2009

Le point sur l'actualité baleinière avant la 61e réunion de la CBI

La 61e réunion plénière de la Commission baleinière internationale (CBI) se tiendra dans moins d'un mois, du 22 au 26 juin 2009 à Madeira (Portugal). Comme tous les ans, c'est durant cette période que l'actualité baleinière se fait plus riche. Je vous propose donc d'en faire le point, à commencer par le rapport du groupe de travail sur l'avenir de la CBI.

Comme évoqué précédemment, l'actuel président de la Commission baleinière internationale, l'Américain William Hogarth a lancé un processus de dialogue entre les pays membres de la CBI pour la sortir de la situation de blocage dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs années. A cet effet, un groupe de travail avait été créé lors de la 60e réunion plénière pour discuter des diverses questions problématiques dans les débats de la Commission. De même, une réunion intersessionnelle a été organisée en mars dernier à Rome. Un document présentant les suggestions du président de la CBI et du groupe de travail y avait été discuté. A l'issue des discussions, William Hogarth avait demandé au groupe de travail de préparer un rapport pour le 18 mai 2009 afin de le présenter ensuite à la réunion plénière.

Comme on pouvait s'y attendre, obtenir un consensus entre les pays membres de la CBI était une mission quasiment impossible. Aussi le rapport du groupe de travail sur l'avenir de la CBI préconise de poursuivre les discussions pendant encore au moins un an. Ce qui a posé problème dans les discussions, ce sont les questions que le groupe de travail a déterminé comme étant "critiques et devant être traitées sur le court terme". Il s'agit de (1) la chasse côtière aux petits cétacés (rorqual de Minke commun) au Japon, de (2) la recherche scientifique sur les baleines dans le cadre de permis spéciaux, des (3) sanctuaires et du (4) tourisme baleinier / utilisation non létale des cétacés. Les opposants à la chasse ont été prompts à dénoncer le Japon comme responsable de l'échec des pourparlers, expliquant que Tokyo n'avait pas suffisament cédé sur ses quotas de chasse scientifique en Antarctique.

Cet article de Richard Black de La BBC explique que le Japon avait offert de réduire le nombre de rorqual de Minke antarctique capturés dans le cadre de son programme JARPA2 à 650 animaux par an. Cela représente 200 baleines de moins que le quota actuel (850), mais étrangement, le journaliste britannique compare ce nombre à celui des rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis) que la flotte de recherche japonaise a réussit à capturer (679) malgré l'obstruction violente de l'ONG Sea Shepherd. En échange, le Japon demande un quota de 150 rorquals de Minke communs (balaenoptera acutorostrata) pour 4 de ses communautés baleinières. Si on fait le calcul (150 - 200 = -50), ça fait 50 baleines de moins chassées tous les ans, mais on peut facilement imaginer que cela reste inacceptable pour les pays farouchement anti-baleiniers comme l'Australie.

Un article du quotidien australien The Age rapporte que le porte-parole de l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR) a annoncé lors d'une interview radiophonique que le Japon avait proposé de réduire son quota de chasse en Antarctique de 200 baleines, de ne pas étendre son programme de recherche dans le Pacifique nord-ouest et de ne pas s'opposer à l'adoption d'un sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud. Dans le même temps, l'administration Obama aurait annoncé sa résolution à lutter contre la chasse à la baleine. Les États-Unis, qui étaient à l'origine de cette initiative pour sortir la CBI de l'impasse, semblent désormais vouloir faire marche arrière. Certains quotidiens japonais comme le Nishi-Nippon shinbun considère que le processus engagé a au moins le mérite de permettre un dialogue entre les deux camps en opposition à la CBI et que le Japon devrait en profiter pour poursuivre les négociations jusqu'à trouver une solution convenable à tous.

La composante côtière du programme de recherche japonais sur les cétacés dans le Pacifique nord-ouest (JARPN2) vient de se terminer le 26 mai dernier avec l'annonce par l'ICR des premiers résultats. La recherche a inclu la capture de 60 rorquals de minke communs dans la baie de Sendai (département de Miyagi). La majorité des animaux prélevés seraient des juvéniles (moins de 6 mètres) et compteraient 27 mâles et 33 femelles. Un grand nombre de lançons du Pacifique (Ammodytes personatus) immatures auraient été retrouvés dans les estomacs de 45 de ces baleinoptères, ce qui confirmerait une préférence pour ces proies chez les rorquals de Minke juvéniles. De même, 35 baleines à bosse auraient été observées dans la zones de recherche.

La saison de chasse à la baleine a commencé en Islande. Cette année les pêcheurs islandais ont un quota de 100 rorquals de Minke communs. Cela a naturellement provoqué des manifestations des ONG anti-chasse tels que l'IFAW à Londres, devant l'ambassade d'Islande et Greenpeace qui a appelé le gouvernement islandais à se réveiller. Cette dernière ONG a notamment souligné que sept (sic !) pays "avaient protesté en vain en février contre la décision islandaise d'accroître les quotas". Il est peut-être bon de rappelé qu'un sondage rendu public en février dernier donnait deux tiers des Islandais en faveur de la chasse à la baleine. Les rorquals de minke communs sont classés comme "préoccupation mineure" dans la Liste Rouge de l'UICN. La chasse islandaise ne pose donc pas de problèmes écologiques.

En Australie, le ministre de l'environnement Peter Garrett semble être la cible des critiques après l'annulation du budget de l'envoyé spécial qu'il avait nommé pour discuter des questions baleinières auprès des autorités nipponnes. Le gouverment Rudd semble ne pas pouvoir tenir les promesses électorales qu'il avait faites en automne 2007. La pression subie par les pays anti-chasse de la part d'ONG devrait aller croissante à l'approche de la réunion plénière de la CBI. On verra si l'atmosphère y sera toujours au dialogue.
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mardi, mai 12, 2009

Des baleines, des hommes et la mer - 3 (fin)

Je vous propose enfin les dernières trois parties du documentaire télévisé sur la dernière expédition japonaise de chasse commerciale à la baleine en Antarctique (1986/87), avant l'entrée en vigueur du moratoire adopté en 1982 par la Commission baleinière internationale. Vous pouvez regarder les 4 premières parties ici et . Les trois dernières parties mettent l'accent sur les réflexions des baleiniers sur l'opposition à la chasse à la baleine et présentent la fin des opérations avant le retour au Japon.

Les vidéos sont sous-titrés en anglais.

Des baleines, des hommes et la mer (5/7)


Des baleines, des hommes et la mer (6/7)


Des baleines, des hommes et la mer (7/7)


Notez qu'en 1986/87, on parlait d'environ 258.000 rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis) dans l'hémisphère sud. C'est trois fois moins que l'estimation de 761.000 animaux faite par le comité scientifique de la CBI en 1990. En outre, seuls le Japon et l'URSS chassaient encore cette espèce au large de l'Antarctique avec des quotas respectifs de 1941 et 3028 cette année-là. Le navire-usine japonais d'alors, le Nisshin-maru No.3 faisait 23.406 tonnes, soit trois fois la taille du Nisshin-maru (8,044 tonnes) qui sert pour les programmes de recherche japonais sur les cétacés.
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jeudi, mai 07, 2009

Culture baleinière à Osaka

Hier, mercredi 6 mai 2009, je me suis rendu à Osaka pour visiter deux endroits relatifs à la chasse à la baleine. Le premier est un pont dont les parapets sont constitués d'os de baleine situé dans l'enceinte d'un temple bouddhique. Le second est un restaurant de spécialités baleinières dont la patronne est un fervent défenseur de la tradition culinaire baleinière japonaise.

Le pont dit setsugeikyô 雪鯨橋 se situe dans l'enceinte du temple Tennenzan Zuikôji 天然山瑞光寺, dans l'arrondissement Higashi-Yodogawa à Osaka. Il a la particularité d'avoir des parapets faits d'os de baleines. Son origine remonterait à l'an 1756 durant lequel le maître zen Danjû Chinin du temple Zuikôji serait passé par le village de Taiji où la pêche était alors mauvaise. Les pêcheurs lui aurait donc demandé de faire des prières pour que la pêche soit bonne. Malgré son refus initial du fait de l'interdit bouddhique sur la mise à mort d'animaux, Chinin aurait finalement accepté de répondre au souhait des pêcheur de Taiji. Les prières du maître zen aurait porté leurs fruits et en remerciement, les pêcheurs du petit village décidèrent d'offrir au temple Zuikôji des os de baleines qui servirent pour la construction du pont setsugeikyô.

Le pont symboliserait les prières pour le repos des âmes des baleines et serait l'expression du vœu de Danjû Chinin de prendre soin de toutes les formes de vie. Notons qu'une tablette funéraire est également conservée au temple Zuikôji. On retrouve en fait ici la même philosophie bouddhique qu'à Kayoi où est érigée une tombe pour les baleines, démontrant un lien spirituel fort entre les chasseurs et leurs proies qui va au-delà du simple aspect économique. Le seitsugeikyô, appelé populairement "kujira-bashi" (le pont baleine), aurait été reconstruit pour la sixième fois en 2006 à l'aide d'os (omoplates et mâchoires inférieures) de rorquals de Minke antarctiques et de rorquals boréaux offerts par l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR). Les os avaient été préalablement enterrés en 2004 pour les dégraisser. A cette occasion, une cérémonie funéraire avait été tenue par le prêtre du temple.

Situé dans un quartier commerçant de l'arrondissement central d'Osaka, le restaurant Tokuya,
ouvert en 1967 par Ohnishi Mutsuko, propose un large éventail de plat à base de baleine. Parmi eux se trouve le hari hari nabe ハリハリ鍋, une sorte de potée où l'on fait cuire de la viande de baleine (akami), des mizuna (Brassica rapa nipposinica) et du tofu dans un bouillon. Il s'agit d'un plat populaire d'Osaka. De même, les gens d'Osaka mangent le lard de cachalot légèrement bouilli dans un bouillon. Ils appellent ce plat koro-oden コロおでん. Mme Ohnishi m'a expliqué que seul le lard de cachalot est généralement pas consommée par les gens. La viande de cachalot étant considérée de mauvais goût, elle aurait surtout servi à l'alimentation animale.

Mme Ohnishi est par ailleurs très active pour promouvoir la cuisine baleinière japonaise dans le monde. Elle a à cet effet publié en 1995 un livre recensant de nombreuses recettes illustrées de photos, qu'elle m'a fait l'honneur de m'offrir et de me dédicacer. Elle a également assisté à de nombreuses réunions plénières de la Commission baleinière internationale en tant qu'observateur (NGO). Bien que la chasse à la baleine n'y ait jamais été pratiquée, Osaka est en quelque sorte la capitale gastronomique du Japon de la cuisine baleinière.
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