mardi, avril 22, 2008

La Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine - 2

Je vous propose de poursuivre notre examen de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, texte fondateur de la Commission baleinière internationale (CBI). Je vous propose cette fois une traduction des articles 3 et 4 qui définissent la CBI et ses fonctions.

Article 3
1. Les Gouvernements contractants s’engagent à établir une Commission baleinière internationale, ci-après désignée sous le nom de Commission, qui sera composée d’un membre représentant chaque Gouvernement contractant. Chaque membre disposera d’une voix et pourra être accompagné d’un ou de plusieurs experts et conseillers.

2. La Commission élira parmi ses membres un Président et un Vice-président, et fixera son propre réglement intérieur. Les décisions de la Commission seront prises à la majorité simple des membres votants ; toutefois, une majorité des trois quarts sera requise avant qu’une décision puisse être adoptée en vertu de l’article 5. Le règlement intérieur pourra prévoir que des décisions soient prises autrement qu’à des réunions de la Commission.

3. La Commission pourra nommer son propre Secrétaire et son personnel.

4. La Commission pourra constituer parmi ses propres membres, experts et conseillers, tous comités qu’elle jugera utile de créer pour remplir telles fonctions qu’elle pourra autoriser.

5. Les frais de chaque membre de la Commission et des experts et conseillers qui lui sont adjoints seront fixés et payés par son propre Gouvernement.

6. Reconnaissant que des institutions spécialisées reliées aux Nations Unies seront concernées par la conservation et le développement de la chasse à la baleine et des sous-produits qui en résultent, et désirant éviter des duplications de fonctions, les Gouvernements contractants conviennent de procéder à un échange de vues, dans les deux ans qui suivront l’entrée en vigueur de la présente Convention, afin de décider si la Commission doit rentrer dans le cadre d’une institution reliées aux Nations Unies.

7. Dans l’intervalle, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord prendra des dispositions, après avoir consulté les autres Gouvernements contractants, pour convoquer la première session de la Convention, et provoquera l’échange de vues visé au paragraphe 6 ci-dessus.

8. Les sessions subséquentes de la Commission seront convoquées au gré de cette dernière.

Article 4
1. La Commission pourra, soit en collaboration avec des organismes indépendants des Gouvernements contractants ou avec d’autres organismes, établissements ou organisations publics ou privés, ou par leur intermédiaire, soit indépendamment ; (a) Encourager, recommander ou, s’il y a lieu, organiser des études et des enquêtes relatives aux baleines et à la chasse à la baleine ; (b) Recueillir et analyser les renseignements statistiques concernant la situation et la tendance courantes des populations de baleines, ainsi que les effets produits sur celles-ci par les activités relatives à sa chasse ; (c) Etudier, évaluer et disséminer des informations concernant les méthodes propres à maintenir et à accroître les populations de baleines.

2. La Commission prendra les dispositions nécessaires pour la publication de rapports sur ses travaux, et pourra publier, indépendamment ou en collaboration avec le Bureau international des statistiques baleinières à Sandefjord, en Norvège, et avec d’autres organisations ou agences, tous rapports qu’elle jugera appropriés, ainsi que tous renseignements statistiques et scientifiques, et toutes autres informations pertinentes relatifs aux baleines et à la chasse baleinière.


Notons tout d'abord que l'article 3 ne précise aucunement la nécessité pour les pays membres de pratiquer la chasse à la baleine pour participer aux travaux de la Commission baleinière internationale. La majorité des membres de la CBI étaient des pays baleiniers dans les premières années, mais petit à petit des nations ne pratiquant pas la chasse à la baleine rejoindront cette organisation, avec un pic notable en 1978 et 1982, juste avant l'adoption du moratoire sur la chasse dite commerciale.

Comme expliqué au paragraphe 4 de l'article 3, la CBI peut créer des comités. On en compte trois, le Comité scientifique, le Comité technique et le Comité administratif et financier. Il y a également plusieurs sous-comités placés sous la tutelle de l'un des trois comités. Le Comité scientifique est probablement le plus important, comptant près de 200 membres qui sont soit nommés par les pays membres ou invités. Le Comité scientifique est notamment chargé d'analyser les données et l'état des populations de baleines, et de conseiller la CBI quant aux décisions relatives à la réglementation de la chasse à la baleine.

La CBI publie régulièrement deux rapports : le Rapport annuel de la CBI (The Annual Reports of the IWC) et le Journal de la recherche et la gestion des cétacés (The Journal of Cetacean Research and Management), tous deux en anglais, langue officielle de la Commission. Le second regroupe des articles prtésentés au Comité scientifique.

La prochaine fois, je présenterai l'article 5 qui définit les règles concernant les décisions sur la gestion de la chasse.

A suivre.....lire la suite>>

jeudi, avril 17, 2008

Retour du Nisshin-maru au Japon - premiers résultats

Le Nisshin-maru, navire-usine de la flotte japonaise ayant participé à un programme de recherche sur les cétacés en Antarctique est rentré au port de Tokyo mardi 15 avril dernier, après cinq mois passé en mer. Le navire devait originalement se rendre au port de Kagoshima, mais des attaques subies par le Nisshin-maru et deux autres bateaux japonais qui ont causé les blessures de 4 membres d'équipage ont modifié les plans pour permettre aux gardes-côtes et à la police de mener une enquête sur ces événements.

L'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR) qui est chargé par le gouvernement japonais de conduire ces programmes scientifiques, a présenté un premier bilan de l'expédition dans lequel il annonce que seuls 551 rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis) ont pu être prélevés sur le quota prévu de 850 rorquals de Minke (+/-10%) et 50 rorquals communs, notamment du fait de l'obstruction de deux ONG anti-baleinières en haute mer. Ce rapport présente également les premiers résultats de ce programmes de recherche. En voici quelques uns.

Fig.1 Zone de recherche JARPA2 2007/2008
(rouge)limite nord-sud, (bleu)banquise



- Le nombre de rorquals de Minke antarctiques observés cette année (926 groupes, soient 1.961 individus) est environ inférieur de moitié à celui du nombre d'observations faites il y a deux ans dans la même zone (1.848 groupes, soient 4.917 individus). Cette différence ne seraient pas due à une diminution du nombre de rorquals de Minke, mais au fait que les baleines à bosse auraient été plus nombreuses (1.433 groupes, soient 2.753 animaux) dans la zone de recherche et à la constitution de la banquise (pack ice) au sud de cette même zone. Cette année, les polynies (zones ouvertes au milieu de la banquise), inaccessibles aux navires, auraient en effet été nombreuses dans la baie Prydz où les rorquals de Minke se regroupent généralement.

- Le programme de recherche japonais a également permis de mettre en avant la relation entre la banquise et la répartition des rorquals de Minke antarctiques, les femelles matures se trouvant plutôt à l'intérieur des polynies alors que les immatures et les mâles se concentrent en bordure de banquise.

Fig.2 Répartition des observations de rorquals de Minke antarctiques


- Les baleines à bosse (megaptera novaeangliae) ont été les baleines les plus observées (1.433 groupes, soient 2.753 animaux), et ce dans l'ensemble de la zone de recherche, continuant d'appuyer l'hypothèse selon laquelle les populations de cette espèce sont en augmentation. Le programme de recherche JARPA2 a pour objectif de mettre au jour les facteurs concernant les changements de répartition et d'interactions entre espèces pour l'alimentation (krill) des rorquals de Minke antarctiques et des baleines à bosse.

Fig.3 Répartition des observations de baleines à bosse


- Le nombre de rorquals communs (60 groupes, soient 172 individus) observés cette année a été très inférieur au nombre d'observations d'il y a deux ans dans la même zone (224 groupes, 936 animaux). Le fait que les navires d'observation (Kyôshin-maru No.2 et Kaikô-maru) aient observé un grand nombre de rorquals communs au nord de 60° Sud laisse penser que cette espèce s'est concentré plus au nord cette année. Le peu d'animaux croisés dans la zone de recherche et les obstructions de deux ONG anti-baleinières ont empêché la capture de 5O individus.

- Le programme JARPA2 comprend également des moyens de recherche dits non létaux (observation, photographie et prélèvement par biopsie), notamment pour les espèces rares comme la baleine bleue ou la baleine franche australe. Le nombre d'individus de ces deux espèces observés dans la zone de recherche est plus important que les années précedentes. (Baleine bleue : 49 groupes, 92 animaux. Baleine franche australe : 75 groupes, 101 animaux)

Fig.4 Répartition des observations de baleines bleues (), rorquals communs (), baleines franches australes () et des cachalots ()


L'ICR a également fait un rapport concernant les attaques et obstructions dont les navires de la flotte de recherche ont fait l'objet. Il précise entre autres que les deux ONG anti-baleinières ont eu connaissance de la position du Nisshin-maru car ce dernier navire s'est vu demander par le Centre australien de coordination (RCC Australia) des secours de participer à la recherche d'un navire de pêche naufragé le 7 janvier 2008, et donc de communiquer ses coordonnées.

(Source figures : ICR)
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dimanche, avril 13, 2008

Pourquoi le Japon tient-il tant à la chasse à la baleine ?

Le site Kujira portal site a ouvert en décembre une tribune intitulée "geiron-tôron" où divers personnes engagées dans le débat baleinier peuvent apporter leur point de vue sur ce sujet. Les interventions n'étant qu'en japonais, j'ai pensé que proposer une traduction en français de ces points de vue sur ce blog pourrait permettre à mes lecteurs de mieux comprendre la position du Japon. Voici donc la première intervention. Il s'agit de celle de Morishita Jôji, négociateur à l'Agence japonaise pour les pêches et commissaire délégué du Japon à la Commission baleinière internationale (CBI).↓↓

Pourquoi le Japon tient-il tant à la chasse à la baleine ?
Morishita Jôji (négociateur, Agence pour les pêches), 20 décembre 2007

Je voudrais profiter de ma première intervention dans cette colonne pour résumer à ma manière, les différents points de vue quant à la raison pour laquelle le Japon s’obstine à chercher à obtenir la reprise de la chasse à la baleine, et ce malgré les critiques à travers le monde. Il s’agit d’une question qui a été posée à diverses occasions et dont la reponse a été variée. Ceux qui sont favorable à la chasse à la baleine soutiennent la gestion des ressources sur la base de données scientifiques, et disent également qu’il s’agit de la culture du Japon. Ceux qui s’y opposent considèrent que l’influence politique de l’industrie baleinière est forte, qu’il s’agit de la chasse gardée d’une partie des bureaucrates de l’Etat japonais, ou bien encore que la chasse à la baleine est devenue un symbole du nationalisme nippon. Des articles de journaux australiens ont même appelé à mieux convaincre la population japonaise car cette dernière ne comprendrait pas bien l’anglais et ne saisirait pas l’opinion du reste du monde.
La réponse à la question de savoir pourquoi le Japon cherche à tout prix à obtenir la reprise de la chasse à la baleine, varie probablement beaucoup en fonction que l’on considère qu’il s’agit-là des Japonais en général, d’une partie de la population, des médias japonais ou bien encore de l’Etat japonais, mais ici, je tiens avant tout à exprimer mon opinion personnelle.

Avant toute chose, il me semble nécessaire de préciser que nous ne cherchons en aucun cas à obtenir la reprise d’une chasse incontrôlée et amenant à la surexploitation, ni même à la capture d’espèces de cétacés qui sont menacées de disparition. Nous désirons exploiter les espèces dont les populations sont abondantes, ce de façon durable (c’est-à-dire de la même manière que l’on utilise les intérêts d’un compte d’épargne sans réduire le capital d’origine) et en respectant les régulations internationales. A l’opposé, certains présentent la chasse à la baleine comme forcément mauvaise, destructrice et impossible à réguler. Je discuterai en détail de ce point de vue lors d’une prochaine intervention.

Pour résumer, voici les raisons pour lesquelles nous tenons à la question de la chasse à la baleine.

(1) La chasse à la baleine, symbole du principe d’utilisation durable

L’utilisation durable, qui a pour objectif de base de permettre à la fois l’exploitation continue et la conservation des ressources naturelles vivantes, est un principe universellement accepté. Il a été établi lors de la Conférence de Rio (Sommet sur l’environnement) en 1992 et défini dans la « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » et « l’Agenda 21 ». Autrement dit, il est désormais globalement reconnu qu’en ce qui concerne toutes les ressources vivantes, y compris les ressources pélagiques, des mesures de protection sont prises pour celles qui sont en mauvaise état, et qu’il est permis d’exploiter de manière durable celles qui sont abondantes.
Toutefois, certains pensent que les animaux charismatiques (ceux qui jouissent d’une forte popularité tels que les baleines et les éléphants) doivent être protégés et donc ne pas être touchés à la manière d’icônes, et ce même si leurs populations sont abondantes. Parmi les gens qui s’opposent à la chasse à la baleine, nombreux sont ceux qui simplement, pensent à tord que toutes les espèces de cétacés sont menacées d’extinction et que les pays baleiniers cherchent à les chasser jusqu’au dernier (et si cela devait être le cas, la chasse à la baleine devrait être justement critiquée). D’autres en revanche, pensent que les baleines sont des créatures particulières et qu’elles doivent en tous cas être protégées. En réalité, certains pays farouchement opposés à la chasse à la baleine comme l’Australie déclarent publiquement au sein de la CBI leur opposition à la chasse à la baleine en toutes circonstances (c’est-à-dire même si les populations de cétacés sont abondantes, même si une gestion durable est possible, et même si des mesures de contrôle et d’inspection sont adoptées).
Cette manière de penser pose les problèmes de savoir sur la base de quels critères sont définis ces « animaux spéciaux » ; de savoir si des « nations majeures » peuvent imposer leurs animaux spéciaux aux autres Etats ; et de savoir s’il y a un moyen de freiner l’augmentation progressive de ces « animaux spéciaux ». Si l’Inde devait déclarer aux Nations-Unies que la vache est un animal sacré ne devant pas être mangé, et devait imposer cette perception aux autres pays par le biais de sanctions économiques, le problème serait flagrant à tout un chacun. C’est pourtant exactement ce qui se passe avec les baleines et cela est présenté comme étant l’« opinion internationale ».
Certains considèrent également que les baleines devraient être protégées parce qu’il s’agit d’animaux sauvages, mais c’est également le cas de nombreuses espèces de poissons faisant l’objet de la pêche, et en outre, une part importante de la population mondiale chasse et utilise des espèces animales sauvages terrestres. A ce propos, l’Australie tue annuellement plusieurs millions (et non pas quelques centaines) de kangourous qui sont ensuite vendus pour l’alimentation humaine ou animale (aliments pour chiens).
Soutenir une chasse à la baleine durable revient à soutenir le principe d’utilisation durable, à ne pas créer d’exception arbitraire à ce dernier, à ne pas accepter les caprices d’une partie des « pays majeurs » (ce que l’on appelle l’éco-impérialisme), et à respecter la science et le droit international, et non les discours émotionels sur le charisme de certains animaux lors de discussions internationales. Vu ainsi, n’est-il pas normal de soutenir la chasse à la baleine ?

(2) Les déclarations déraisonnées des opposants à la chasse baleinière

Nombreux sont les gens qui considèrent comme déraisonnées les déclarations des opposants à la chasse à la baleine. Les partisans de l’utilisation durable dont fait partie le Japon ne s’opposent pas à ce que les pays anti-chasse protègent complètement les baleines dans leurs eaux territoriales ou interdisent la chasse à leurs ressortissants, et reconnaissent même les vertus du tourisme baleinier.
Ils demandent seulement que l’on reconnaisse aux pays baleiniers d’exploiter de manière durable les espèces baleinières dont les populations sont abondantes. Le camp anti-chasse, de son côté, n’accepte pas les demandes des pays baleiniers et cherche à faire reconnaître unilatéralement les siennes à toutes les autres nations. La probabilité qu’ils respectent l’opinion des autres et fassent des efforts pour trouver un compromis est extrêmement faible.
Lors de la 59e réunion plénière de la CBI qui s’est tenue cette année (2007), le Japon a fait une proposition de demande d’un quota de chasse pour ses communautés baleinières en laissant vierge l’espace pour le nombre de baleines allouées. Cette démarche avait pour but de montrer que nous étions prêts à négocier quant au nombre de baleines, et avions pour intention de proposer un quota qui logiquement ne devrait pas avoir de effet négatif sur les populations pour qui que ce soit (pour donner un exemple extrême, un quota symbolique d’une baleine était tout à fait envisageable dans les discussions) et ainsi mettre en relief la nature du problème de la chasse à la baleine. Les pays opposés à la chasse ont refusé clairement cette proposition. La principale raison était que la chasse aux petits cétacés des communautés baleinières japonaises comporte des éléments commerciaux et qu’elle se différencie ainsi de la chasse aborigène de subsistance pratiquée aux Etats-Unis et en Russie qui avait été acceptée lors de la même réunion à Anchorage. Dans l’hôtel même où la réunion de la CBI avait lieu, étaient vendus des objets d’artisanat faits de fanons et d’os de baleines du Groenland capturées par les indigènes d’Alaska à plusieurs centaines de milliers de Yen l’unité. Les pays anti-chasse considèrent toutefois que la vente de ce genre d’objets ne présente pas d’aspect commercial, alors que si la viande de baleine était vendue aux habitants ou sur les marchés des communautés baleinières nipponnes, il considérerait ceci comme une activité commerciale ne pouvant être autorisée. Le fait que la commercialité soit à ce point culpabilisée est en soit un problème, mais la définition de « l’aspect commercial » (les objets artisanaux sont acceptables, mais pas la viande) telle que décrite par les pays anti-baleiniers ne peut être justifiée d’aucun point de vue. Est-ce alors réagir de façon éxagérée que de suspecter qu’il y a un principe de base selon lequel aucune chasse à la baleine ne sera permise au Japon quoiqu’il arrive? Tout en ayant le sentiment que les demandes des pays anti-chasse sont déraisonnées, je me demande s’il est bien normal de les considérer comme étant « l’opinion internationale ». Est-il préférable d’abandonner la chasse à la baleine dans l’intérêt national que représente l’image du Japon à l’étranger ?
Lors de sondages sur la question de la chasse à la baleine réalisé dans la rue, on entend fréquemment l’opinion selon laquelle il paraît scandaleux que les pays anti-chasse disent de ne pas manger de baleine alors qu’ils se nourrissent de viande de boeuf. A cela, il est généralement opposé le fait qu’il n’y a pas de comparaison possible parce que les boeufs sont des animaux d’ élevage alors que les baleines sont des animaux sauvages, mais ne s’agit-il pas là d’une opinion qui exprime typiquement l’absurdité que les gens ressentent ou décèlent dans les débats sur la chasse à la baleine ?

(3) Le soutien des pays et des ONG qui approuvent l’utilisation durable

On entend souvent dire que le Japon est isolé au plan international sur la question de la chasse à la baleine et que seuls des pays en voie de développement qu’il a acheté grâce à ses aides, le soutiennent à la CBI (je tiens à traiter de ceci en détail lors d’une autre occasion). La chasse à la baleine durable est toutefois largement soutenue.
Tout d’abord, en plus des trente pays en voie de développement d’Afrique de l’Ouest, de l’Asie Pacifique et des Caraïbes, la Russie, la Chine, la Corée du Sud, la Norvège et l’Islande sont en faveur d’une chasse à la baleine gérée par la CBI. En particulier, les pays en voie de développement défendent ardement et fermement le principe d’utilisation, gardant à l’esprit leur dépendance aux ressources naturelles telles que celles pélagiques de leurs territoires. La Chine et la Corée du Sud ne pratiquent pas la chasse à la baleine, mais soutiennent basiquement la chasse à la baleine en accord avec le principe d’utilisation durable.
Par ailleurs, bien qu’il ait suspendu ses activités temporairement, il existe un Conseil mondial des baleiniers (WCW) qui rassemble les peuples indigènes du monde ayant une tradition baleinière. Les Peuples premiers du Canada et les Maoris de Nouvelle-Zélande y participent également en tant que membres. De même, l’IWMC (Union internationale de gestion des ressources naturelles) qui est une ONG internationale soutenant l’utilisation durable des ressources naturelles et oeuvrant sur divers sujets tels que celui des éléphants est un groupe de spécialistes de la CITES dirigée par Eugène Lapointe, ancien secrétaire général de cette convention de 1982 à 1990. Basé en Australie, le SMS (Species Management Specialists) est un groupe de spécialistes de la gestion des crocodiles et autres reptiles à la CITES dont le leader est l’ancien président du comité aux animaux de cette convention, Hank Jenkins. L’EBCD (European Bureau for Conservation and Development), une ONG qui soutient l’utilisation durable des ressources en Europe, entretient des liens étroits avec le Parlement européen et l’IUCN.
Ces groupes qui soutiennent l’utilisation durable des cétacés considèrent la chasse à la baleine comme faisant partie intégrante du vaste courant de l’utilisation durable des ressources naturelles vivantes et la soutiennent du point de vue de ce principe. Ils estiment que tout recul sur la chasse à la baleine serait un pas en arrière pour le principe d’utilisation durable lui-même. Le fait que leurs principaux sujets d’intérêt soient les éléphants, les crocodiles ou les tortues imbriquées démontrent clairement ceci. S’ils n’avaient pas conscience du fait que la chasse à la baleine a un lien étroit avec leurs sujets d’intérêt, ils n’auraient aucune raison de la soutenir. Ils considèrent que ces sujets se situent dans une opposition entre deux manières de penser que sont l’utilisation rationnelle (wise-use) et la non-utilisation (non-use). L’utilisation rationnelle est l’utilisation durable des ressources tout en assurant leur conservation, alors que la non-utilisation correspond à la pensée représentée par les groupes de protection des animaux selon laquelle il ne faut en aucun cas toucher à la nature.
Une autre particularité de ce sujet est le fait que les peuples indigènes dont le mode de vie dépend de l’utilisation des ressources naturelles et pays en voie de développement soutiennent l’exploitation des baleines. Ils sont fortement opposés à, et ont un sentiment de danger face à la limitation ou l’interdiction d’utiliser des ressources naturelles sans la moindre raison scientifique, et considèrent donc la chasse à la baleine comme symbolique. Pour illustrer ceci, on peut relever le fait que la sécurité alimentaire et le droit souverain d’utiliser leurs ressources reviennent souvent dans leurs déclarations à la CBI. Ils considèrent que le mouvement contre la chasse à la baleine est une attaque contre l’attitude / l’idée qu’un Etat indépendant mette en pratique l’utilisation durable de ses ressources et entreprenne son développement sur la base de sa souveraineté, et c’est par conséquent un important problème pour des pays en voie de développement.
La chasse à la baleine est décrite comme un problème de principe. C’est justement parce qu’il s’agit d’un problème ayant une portée importante dépassant les intérêts des parties concernées, que nous tenons à le traiter en suivant les principes de la gestion des ressources dans une perspective plus large et non pour des profits à court terme.
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lundi, avril 07, 2008

Chants baleiniers dans une école de Nagato

Le mois dernier s'est tenu dans une école de la ville de Nagato (département de Yamaguch) une cérémonie lors de laquelle des élèves ont entonné des chants hérités du kujiragumi qui opérait au large du petit port de Kayoi. Voici un article du Asahi Shinbun qui en traite.

Transmission des chants baleiniers à Nagato
Asahi, 14 mars 2008


Cérémonie de transfert des chants baleiniers à l'école primaire de Kayoi.

Des chants baleiniers dits “kujira-uta” entonnés pour célébrer une pêche fructueuse sont transmis dans le quartier de Kayoi (ville de Nagato) où la chasse traditionnelle à la baleine a prospéré de la période d’Edo jusqu’à l’ère Meiji. Depuis près de vingt ans, ces chants sont inclus dans les activités scolaires de l’école primaire de Kayoi de manière à permettre leur transmission. Cette année encore a eu lieu la cérémonie de transfert à l’approche de la période de la cérémonie de fin d’études, et des vestes happi et baguettes de tambour ont été remises par les élèves de 6ème année à ceux des classes inférieures.

Fort d’une histoire de 400 ans, les chants baleiniers de Kayoi ont pour particularité que l’on ne bat pas des mains, mais qu’on les frottent lorsqu’on les entonne. Ce serait pour exprimer le sentiment de reconnaissance et de deuil envers les baleines qui ont apporté de nombreuses ressources aux hommes. On trouve dans ce même quartier une tradition de respect de la vie représentée entre autres par une tombe où sont enterrés des baleineaux morts.

Les chants baleiniers de Kayoi continuent d’être transmis par une association de préservation du folklore local. A l’école primaire de Kayoi, les élèves reçoivent des instructions de membres de cette association lors des heures de cours généraux et apprennent la signification de ces chants.

Cette année, la ceremonie de transfert s’est tenue le 5 mars. Les élèves de la 3ème à la 6ème années ont chanté “asa no mezame (l’appel du matin)”, ceux de la 1ère à la 5ème années ont eux entonné le “iwae medeta (célébrations)”. “Même si nous allons désormais aller au collège, nous désirons transmettre fermement l’esprit de ces chants”, a déclaré Kazuya Ikenaga, représentant des sept élèves de 6ème année qui vont quitter l’école cette année.

*****************Fin de l'article*********************

Kayoi est l'une des régions de l'Ouest du Japon où la chasse traditionnelle a prospéré à la période d'Edo. Elle se dénote toutefois des autres par la présence d'une tombe où ont été enterrés les foetus découverts dans le ventre des baleines capturées par le kujiragumi local. En outre, un office religieux continue d'être organisé tous les ans au temple Kôganji 向岸寺 pour les baleines. Je vais prochainement avoir l'occasion de visiter ce lieu et j'en ferai donc une présentation plus exhaustive à ce moment. En attendant, je vous propose cette vidéo qui présente certains aspects culturels de Kayoi.



A noter que Senzaki, le lieu où Oka Jûrô a établi sa société baleinière Nihon En.yô Gyogyô 日本遠洋漁業, se trouve non loin de là. Il s'agit donc d'un lieu d'une importance particulière dans l'histoire de la chasse à la baleine au Japon.
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mercredi, avril 02, 2008

L'Australie pour la chasse au dugong, mais contre celle à la baleine

L'Australie est sans aucun doute l'un des principaux opposants à la chasse à la baleine. Ceci a notamment été démontré par le gouvernement travailliste de Kevin Rudd lorsque des photos des activités de la flotte de recherche japonaise prises par les douanes australiennes en Antarctique ont été rendues publiques sensationnellement par le ministre de l'Environnement, Peter Garrett au mois de février. On est cependant en droit de se demander quels sont les critères australiens pour s'opposer à la chasse à la baleine.

Le mois dernier, le même gouvernement a annoncé un plan prévoyant l'abattage de 400 kangourous d'une ancienne base militaire près de Canberra, la raison étant que les kangourous sont trop nombreux dans cette zone et y menacent la flore et la faune. Cette fois-ci, Peter Garrett s'est retrouvé dans le siège des accusés du fait de la pression d'organisations de défense des animaux demandant que les kangourous ne soient pas tués mais déplacés vers une autre zone. Résultat, le plan a été suspendu. Jack Waterford, journaliste au Canberra Times, parle de fiasco tant au niveau administratif qu'écologique.

Le sujet a également intéressé les médias japonais, en particulier du fait des récentes déclarations du gouvernement australien quant à la chasse à la baleine. Le Yomiuri souligne ainsi que les opposants au plan d'abattage des kangourous, parmi lesquels figurent entre autres l'ex-Beattles Paul McCartney, ont critiqué l'Australie pour ses critères doubles, déclarant que ce pays "n'avait aucun droit de critiquer le Japon pour sa chasse à la baleine tout en abattant des kangourous".

Désormais c'est au tour de l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR) de critiquer l'Australie, cette fois pour sa gestion de la chasse au dugong dans le nord-ouest de ce pays. Le dugong (Dugong dugon) est un mammifère marin de l'ordre des siréniens (Sirenia) auquel appartiennent aussi les lamentins. Cet animal est classé "vulnérable" sur la Liste Rouge de l'IUCN, notamment du fait de la dégradation de son habitat et de collisions avec des bateaux.

Un porte-parole de l'ICR, Glenn Inwood a dénoncé "l'hypocrisie de l'Australie en autorisant la capture de dugongs par des chasseurs aborigènes, tout en rejetant l'utilisation durable des baleines". Il a également rappelé que "le Japon soutenait le principe international d'utilisation durable" des ressources. Peter Garrett a répondu qu'il n'y avait aucune analogie entre la chasse à la baleine japonaise et la chasse au dugong, précisant que "le gouvernement australien était activement engagé dans des programmes de protection des dugongs".

On peut déduire de la déclaration de Peter Garrett que l'Australie reconnaît que l'on peut protéger une espèce animale tout en autorisant sa capture. Il est toutefois difficile de comprendre pourquoi les baleines sont mises à l'écart de ce principe.

Mise à jour (3 avril 2008) :
Le quotidien The Australian fait part de nouvelles estimations du nombre de rorquals de Minke (Balaenoptera bonaerensis) vivant dans l'hémisphère sud. Les chiffres qui devraient être discutés par le comité scientifique de la CBI seraient de 200.000 à 680.000 rorquals de Minke. Cela constitue une revue à la baisse des estimations adoptés par la CBI en 1990 qui étaient de 510.000 à 1.140.000 individus de cette espèce. Ces chiffres ne représentent pas forcément un déclin des populations de rorquals de Minke, les missions d'observation précédentes ayant probablement surévalué le nombre d'animaux se trouvant dans les zones de banquise (pack ice) inaccessibles aux navires. Tout ceci sera probablement confirmé durant la prochaine réunion de la Commission baleinière internationale qui doit se tenir à Santiago du Chili du 23 au 27 juin de cette année.
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