lundi, juillet 07, 2008

Remplacer le programme de recherche sur les cétacés par un programme de recherche globale sur l’environnement de l’océan Austral

J'ai précédemment présenté les opinions de deux personnes impliquées dans le débat sur la chasse à la baleine au Japon, Morishita Jôji de l'Agence japonaise pour la pêche et Ohsumi Seiji de l'Institut japonais de recherche sur les cétacés. Le quotidien Suisan Keizai Shinbun, spécialisé dans les informations relatives aux affaires maritimes, a publié le mois dernier (5 juin) l'opinion de Komatsu Masayuki, ancien commissaire délégué du Japon à la CBI et actuellement professeur au National Graduate Institute for Foreign Policies. Comme il connaît lui aussi bien le sujet de la chasse à la baleine - il a d'ailleurs écrit plusieurs livres dessus -, son point de vue m'a semblé intéressant. Aussi ai-je décidé de présenter une traduction de son article.

Opinion des lecteurs – Komatsu Masayuki (professeur au National Graduate Institute for Policy Studies)
Remplacer le programme de recherche sur les cétacés par un programme de recherche globale sur l’environnement de l’océan Austral
Suisan Keizai, le 5 juin 2008

Le Japon a la responsabilité de présenter les informations de la recherche sur les cétacés en Antarctique

Ces dernières années, d’ importants phénomènes anormaux interviennent dans l’écosystème de l’océan Austral dont les cétacés font partie. C’est on pense, parce que l’environnement de l’océan Austral et des abords de l’Antarctique ont grandement changé. Il nous est possible de saisir les effets du réchauffement climatique dans l’atmosphère et à la surface de la Terre tels que l’élargissement du trou de la couche d’ozone, l’effondrement de la plate-forme glaciaire Larsen B, la diminution de la baie des Baleines formées par les glaces de la mer de Ross ou les importants changements chez les manchots Adélie et les manchots empereurs, mais il est difficile de comprendre ce qui se passe sous la surface de la mer. La découverte des modifications qui ont lieu dans l’eau est rendue possible par des activités de recherche de grande envergure et à long terme. La recherche sur les cétacés en Antarctique commencée en 1987 se base sur l’article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, est mise en oeuvre légalement par le Japon qui est un pays signataire de ce texte, et a apporté des informations très utiles quant à l’écosystème marin de l’océan Austral à la société internationale par le biais du comité scientifique de la Commission baleinière internationale.
Les résultats de vingt ans de recherche tirent la sonnette d’alarme pour l’humanité. Cependant, sans explication précise de ce qui se passe exactement dans l’océan Austral ces dernières années, on peut difficilement dire que le Japon remplit son rôle d’information. Cette recherche est conduite dans l’océan Austral qui est un patrimoine commun de l’humanité et le devoir d’explication du Japon est donc important.

La ruée des baleines vers le Sud

Les baleines à bosse qui vivent en grands nombres dans les eaux au nord du 60e parallèle de latitude Sud se déplacent massivement vers l’océan Austral, en dessous du 60e parallèle Sud où les eaux sont plus froides, du fait de l’augmentation de la température de la mer. Les populations de cette espèce augmentent annuellement de plus de 14%. La biomasse des baleines à bosse représente près du double (dans la zone IV de l’océan Austral) de celle des 760.000 rorquals de Minke. Il s’agit de l’espèce la plus importante dans l’écosystème de l’océan Austral et les informations que procureraient leur capture sont scientifiquement indispensables.
Les populations de rorquals communs aussi augmentent à un rythme de plus de 10% par an dans les eaux au sud du 60e parallèle de latitude Sud. Cependant, les populations de baleines bleues qui comptaient autrefois quelques 330.000 animaux et ne sont plus qu’environ mille aujourd’hui, ainsi que celles des rorquals de Minke que l’on estime à 760.000 bêtes, non seulement n’augmentent pas, mais on observe des anormalités chez certains individus. Ils maigrissent et leur couche de graisse devient plus mince. On constate aussi une diminution des naissances. L’âge des femelles gravides est aussi de plus en plus élevé. En outre, ces animaux vont jusqu’à l’intérieur de la banquise (pack ice). Ces phénomènes sont, on pense, dûs au réchauffement climatique.

Le réchauffement de l’océan Austral

La température atmosphérique de l’Antarctique est montée de trois degrés Celsius lors des cinquante dernières années (côte ouest de la péninsule antarctique). Par ailleurs, les glaces de mer et celles du continent antarctique fondent, faisant progresser la désalinisation de l’eau de mer. Si l’eau dont la densité est moindre du fait d’une faible concentration en sel et d’une température plus élevée stagne, le mélange vertical ne s’opère pas et les courants ascendants s’affaiblissent. Les sels nutritifs tels que les silicates parviennent ainsi difficilement jusqu’à la surface de la mer où a lieu la photosynthèse, et avec la réduction de la couche d’ozone, la production de phytoplancton comme les diatomées diminue. On suppose que le krill antarctique qui s’en nourrit a diminué. Il a été rapporté que le krill antarctique aurait diminué de 75 à 82% autour de la péninsule antarctique depuis 1970 (British Antarctic Survey). Les chalutiers japonais ne rencontrent plus de grandes densité de krill antarctique.

L’utilisation des ressources vivantes marines et le contrôle du réchauffement

La production d’aliments par l’industrie agricole entraîne la déforestation pour créer des champs et l’émission de dioxyde de carbone (CO2) par le bétail. Si on prend la totalité du CO2 sur Terre, 2% se trouve dans l’atmosphère et 98% dans les océans. Par conséquent, stimuler le cycle du CO2 des océans devrait être extrêmement efficace lorsqu’on envisage de rétablir l’équilibre de CO2 sur Terre et réduire celui dû aux échappements.
Dans les océans, le CO2 est assimilé par le phytoplancton puis à travers le le zooplancton, absorbé par les poissons et les cétacés. L’utilisation adéquate par les hommes de ces dernières ressources revient à stimuler l’absorption / dissolution et le cycle du CO2 des océans. Ainsi, les hommes controleraient les émissions de CO2 terrestre (dans l’atmosphère) et contribueraient au contrôle du réchauffement planétaire et donc de celui des océans. Par ailleurs, l’utilisation alimentaire du krill qui représente une ressource de plusieurs dizaines de millions de tonnes est également très importante si l’on considère qu’elle est respectueuse de l’environnement en général.

Vers la mise en oeuvre d’un programme de recherche global sur l’environnement de l’océan Austral

Un programme de recherche accompagné du besoin de vérifier des hypothèses et un raisonnement de grande envergure et ayant pour objectif de contribuer à l’élucidation et la résolution de l’influence du réchauffement climatique à l’échelle planétaire, nécessite l’élaboration d’un projet à long terme et la capacité de l’exécuter. En Antarctique aussi, il est nécessaire de mettre en oeuvre de manière globale l’observation océanographique (sels, température de l’eau, mélange vertical, convection), la recherche sur le phytoplancton et le zooplancton comme le krill antarctique, ainsi que celle sur les manchots et les cétacés qui s’en nourrissent. En ce qui concerne les cétacés, il est indispensable de surveiller la concurrence entre les espèces d’eaux tempérées comme la baleine à bosse et celles d’eaux froides telles que les baleines bleues et les rorquals de Minke antarctiques, ainsi que les changements de caractéristiques physiologiques. Ces activités de recherche devraient contribuer aux mesures pour faire face aux changements environnementaux et au réchauffement planétaire demandées par le monde contemporrain ainsi qu’ à l’élucidation des changements des écosystèmes marins, et aussi remédier à une future pénurie alimentaire.

Création d’un institut de recherche globale sur l’environnement des océans

Avec l’adoption de la Loi fondamentale sur la politique océanique, l’Etat japonais se doit, je pense, de jeter toutes ses forces dans la mise en oeuvre de ces programmes de recherche et de coordonner globalement la recherche et les études conduites jusqu’à présent séparément par l’Université de Tokyo, l’Institut national de recherche sur la pêche pélagique (NRIFSF), l’Institut national de recherche polaire (NIPR), l’Agence japonaise pour la science et la technologie marine-Terre (JAMSTEC) et l’Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR). En particulier, ces instituts et agences devraient créer des liens de coopération et être réorganisés. Le Japon devrait former sur la base de l’ICR, un "institut de recherche globale sur l’environnement des océans" en tant qu’organisme central pour ces recherches et études, et chercher à atteindre une recherche qui répond aux besoins du 21e siècle en invitant des chercheurs de pays étrangers.
Le programme de recherche sur les cétacés en Antarctique actuel devrait être grandement modifié et conduit en tant que "projet de recherche global sur l’environnement de l’océan Austral" dont le but serait de contribuer à l’élucidation des problèmes de réchauffement climatique et de pénurie alimentaire. Il devrait viser une coopération avec les pays qui conduisent actuellement des recherches scientifiques en Antarctique comme la Norvège, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Australie.

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