lundi, mai 05, 2008

L'histoire de la chasse à la baleine au Japon - 7

Les succès de Tôyô Gyogyô vont amener d’autres entrepreneurs à se lancer dans l’industrie baleinière. Ces nouvelles sociétés vont d’abord se tourner vers les anciennes communautés baleinières, profitant de l’existence de savoir-faire et d’une tradition entourant la consommation de produits issus des cétacés. Ainsi, la ville de Taiji qui a essayé à plusieurs reprise de redonner vie à sa tradition de chasse à la baleine après la tragédie de 1878, va accueillir avec ferveur l’installation de bureaux par Tôyô Gyogyô en 1905, bientôt suivie par d’autres sociétés telles que Teikoku Suisan 帝国水産 ou Daitô Gyogyô 大東漁業. En mars 1906, s’intéressant au potentiel qu’offre le littoral faisant face à l’Océan Pacifique, Tôyô Gyogyô ouvre des bases à Chôshi et Tateyama (préfecture de Chiba), ainsi qu’à Ayukawa (Miyagi) qui deviendra plus tard le port de chasse côtière le plus important du Japon.

Cependant, cette fièvre de la chasse à la baleine va avoir des inconvénients. En effet, on compte 12 sociétés et 28 bateaux opérant au Japon en 1908, et cette situation menace directement le prix des produits baleiniers. Pour remédier à ceci, un syndicat de l’industrie baleinière, le Nihon Hogeigyô Suisan Kumiai 日本捕鯨業水産組合, va être fondé en 1908 à l’initiative de Tôyô Gyogyô. L’année suivante, par un ordre du ministère de l’Agriculture et du Commerce est établie la Loi de réglementation de la chasse à la baleine (geigyo torishimari kisoku 鯨漁取締規則) qui rend nécessaire l’obtention de permis de chasse et limite le nombre total de navires à trente. La loi déterminant également les secteurs et les saisons de chasse, ainsi que la taille des cétacés pouvant être capturés, on peut dire qu’il s’agit là des premières mesures visant à réglementer l’industrie baleinière et à protéger les populations de baleines au Japon.

L’effet de cette loi ne se fait pas attendre, et dès 1909, les quatre plus grandes sociétés que sont Tôyô Gyogyô, Nagasaki Hogei 長崎捕鯨, Dainihon Hogei 大日本捕鯨 et Teikoku Suisan fusionnent et absorbent deux autres compagnies (Tôkai Gyogyô 東海漁業 et Taiheiyô Gyogyô 太平洋漁業) pour former Tôyô Hogei 東洋捕鯨. Celle-ci monopolise deux tiers des baleiniers et opère depuis une vingtaine de stations baleinières, ce qui lui permet d’obtenir de très bons résultats dès la première année avec 897 cétacés tués. Bien que la majorité des postes de canonniers sera occupée par des Norvégiens jusqu’au début des années 1920, les méthodes de chasse moderne sont désormais bien assimilées par les compagnies baleinières japonaises et le rayon d’action de ces dernières va considérablement s’étendre.

Ainsi, les secteurs de chasse situés au large du Hokuriku, de Hokkaidô et de Sakhaline sont ouverts entre 1911 et 1915. Cependant, les activités des baleiniers ne seront pas sans créer quelques frictions avec les pêcheurs de ces régions du fait de croyances populaires assimilant les baleines tel qu'en 1911 dans le port de Same (aujourd'hui ville de Hachinohe). Les sociétés baleinières réussiront néanmoins à s’intégrer et à exploiter le très fort potentiel qu’offre le nord de l’archipel nippon. En effet, dès les années 1930, le Hokuriku et Hokkaidô représenteront les trois quarts des prises de cétacés.

Outre le nord, les baleiniers japonais vont également ouvrir les zones de chasse en Mer Jaune (mer située entre la Chine et la péninsule coréenne), au large de la côte ouest de la péninsule coréenne, autour de Taiwan ainsi que dans les îles Ogasawara entre 1915 et 1920. Cette avancée des baleiniers nippons n’est d’ailleurs pas sans relation avec la volonté stratégique du gouvernement japonais d’étendre son influence sur les pays voisins. Il s’agit sans aucun doute de la même politique que celle qui avait permis à Oka Jûrô de créer sa compagnie de chasse à la baleine en 1899.

Avec le début des opérations de chasse dans l’archipel des Kouriles à la fin des années 1920, les baleiniers japonais bénéficient d’un terrain de chasse immense qui s’étend sur plus de 4000 kilomètres du nord au sud. Celui-ci permet de changer de secteur tout au long de l’année, faisant de la chasse à la baleine une activité ne connaissant pas de trêve annuelle. L’été, les compagnies chassent dans le nord, alors que l’hiver, les activités se concentrent dans le sud.

Les baleines ne connaissant pas de répit, il n’est pas étonnant que certaines populations, notamment les rorquals bleus et les rorquals communs, aient commencé à décliner, bien que le nombre moyen de cétacés capturés tous les ans soit resté stable. Le nombre total de navires pouvant opérer sera d’ailleurs réduit en 1934, passant de 30 à 25, mais cette limitation finira par être levée en 1937. Les années 1930 voient l’émergence de trois grandes compagnies baleinières qui détiennent le monopole de la chasse côtière aux grands cétacés (CCGC) : Nihon Suisan 日本水産 (Nissui 日水) qui est issue de la fusion de Nihon Hogei 日本捕鯨 (elle-même issue d’une fusion entre Tôyô Hogei et Nihon Sangyô 日本産業 en 1934) avec une grande compagnie de pêche, Kyôdô Gyogyô 共同漁業 ; Taiyô Hogei 大洋捕鯨 ; et Kyokuyô Hogei 極洋捕鯨.

Cependant, moins de quarante ans après l’introduction des méthodes de chasse norvégienne, le terrain de chasse autour du Japon est devenu trop petit pour l’appétit des baleiniers nippons, et c’est une nouvelle révolution technique qui va donner l’occasion à l’industrie baleinière japonaise de continuer son expansion.

A suivre...

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