vendredi, juillet 18, 2008

Petits pois et bacon de baleine - suite de l'épilogue

Comme je l'expliquais précédemment, Greenpeace avait accusé douze membres d'équipage du Nisshin-maru de détourner illégalement de la viande de baleine pour alimenter un marché parallèle. Pour prouver leurs dires, deux activistes de Greenpeace Japan avaient subtilisé un colis envoyé par l'un de ces marins à destination de son domicile lors de son transfert dans un centre de tri de la compagnie de transport Seinô. Malheureusement pour Greenpeace, le parquet de Tokyo a abandonné l'enquête le 20 juin dernier, ne disposant d'aucun soupçon à l'encontre des douze marins incriminés.

Dans le même temps, la compagnie Seino portait plainte auprès de la police d'Aomori pour le vol du colis. Les deux activistes de Greenpeace, Satô Jun.chi et Suzuki Tohru ont par conséquent été arrêtés le 20 juin, en même temps que la police saisissait leurs domiciles et les locaux de Greenpeace Japan à Tokyo. Après leur transfert vers Aomori, les deux suspects ont été placés en garde à vue sans chef d'accusation pendant 21 jours. Ils ont ensuite été accusés de vol et de violation de propriété privée le 11 juillet. Le tribunal d'Aomori a accepté leur demande de mise en liberté sous caution le 15 juillet. Le montant de la caution est de 8.000.000 Yen (environ 48.000 Euros), payés le jour-même par Greenpeace.

Malgré le fait que le parquet de Tokyo ait abandonné son enquête, faute de soupçons à l'encontre des 12 marins de la compagnie Kyôdô Senpaku, Greenpeace continue de prétendre qu'il y a un trafic de viande de baleine. Ils ont également fait appel à leurs supporters de par le monde pour signer une pétition demandant la libération de leurs deux activistes "injustement" arrêtés. Autrement dit, l'ONG essaye coûte que coûte de sauver la face. Cela se fait au détriment de leurs supporters qui sont désinformés. C'est dans ce contexte que la société maritime Kyôdô Senpaku a aujourd'hui rendues publiques les conclusions de l'enquête qu'elle a menée en interne sur les accusations de détournement et présentées au Ministère japonais de l'Agriculture, de la pêche et des forêts. Il y a un communiqué de presse en anglais et en japonais. Voici une traduction du communiqué japonais :

Rapport concernant les questions autour de la viande de baleine

Nous présentons ci-dessous les résultats de l’enquête concernant l’accusation faite par Greenpeace Japan auprès du parquet de Tokyo selon laquelle 12 membres de l’équipage du Nisshin-maru qui a participé au programme de recherche sur les cétacés en Antarctique conduit par l’ICR auraient détourné en grande quantité du bacon de baleine résultant de la recherche.
Nous présentons également les mesures que nous avons décidé de prendre pour assurer la transparence quant à la distribution de viande de baleine à nos marins.

I. Résultat de l’enquête
1. Le bacon de baleine salé que Greenpeace Japan a emporté en tant que "preuve" du centre de tri de la compagnie de transport Seinô à Aomori a été envoyé à destination de son domicile par un employé de l’usine du Nisshin-maru (52 ans, domicilié à Hakodate). Du bacon de baleine est offert à tous les membres d’équipage’ du Nisshin-maru en tant que cadeau lors de leur débarquement, mais cet envoi comprenait également les parts que des collègues ont cédée à cet employé. (Tous les ans, Kyôdô Senpaku achète de la viande de baleine à l’Institut japonais de recherche sur les cétacés et distribue en tant que cadeau 8 kilos de bacon de baleine salé et 1,6 kilos de viande (rouge) de baleine en morceaux à chacun de ses marins lors du débarquement)

2. Les prix de la viande de baleine étant déterminé par l’ICR après la fin de la recherche (généralement en juin), ils ne sont pas encore fixés lorsque la viande de baleine est distribuée en tant que cadeau aux membres d’équipage et la transaction avec l’ICR se fait sur la base des prix de l’année précédente.

3. Kyôdô Senpaku a conduit une enquête quant aux contenus des colis envoyés par chacun des membres d’équipage ayant pris part à la dernière opération de recherche sur les cétacés en Antarctique. Voici les points que cette enquête a révélés :
(a) La quantité de bacon salé réservé aux cadeaux qui a été débarquée est la même que celle produite à bord du navire et aucun produit n’a été emporté sans autorisation.
(b) Après avoir reçu de la viande de baleine en tant que cadeau, certains membres d’équipage l’ont cédée à des collègues car n’en ayant pas besoin.
(c) Aucun membre d’équipage n’a vendu les cadeaux ayant été distribués à des magasins de viande de baleine ou à des établissements de restauration.

II. Mesures à venir
1. La distribution de viande de baleine aux marins et la détermination des prix de ces cadeaux est effectuée en toute équité et de façon adéquate comme expliqué ci-dessus (I.), mais pour assurer la transparence la façon dont la distribution est réalisée sera désormais rendue publique.

2. Concernant la viande distribuée aux membres d’équipage, Kyôdô Senpaku va tout gérer à bord du navire et se charger de faire directement les envois aux adresses de chacun des marins après le débarquement.

3. Concernant l’achat de la viande de baleine destinée à être distribuée comme cadeaux aux membres d’équipage, on employait jusqu’à présent les prix de l’année précédente, mais désormais, le paiement sera fait une fois les prix pour l’année en cours déterminés.

4. En plus des lettres remises actuellement aux employés, l’interdiction de revendre la viande de baleine distribuée va être introduite dans le réglement interne.


Tout ceci devrait conclure l'affaire...sauf probablement pour Greenpeace.

10 commentaires:

ElieDeLeuze a dit…

Outre le puits de science qu'est ce blog sur les baleines, il est toujours utile de voir à quoi servent les dons que récolte Greenpeace. Pas de quoi être fier. Je vais m'empresser de le faire savoir autour de moi... j'adore mettre de l'ambiance dans des dîners chiants :-D

isanatori a dit…

Salut Elie,

Merci pour ton commentaire.

Concernant Greenpeace, je t'invite a jeter un coup d'oeil au site de l'antenne francaise :
http://www.greenpeace.org/france/getinvolved/act/enquete-scandale-viande-baleine

Outre les fautes d'orthographe et le fait que le Japon est decrit comme etant "une republique" (sic !), Greenpeace appelle ses supporters d'envoyer des lettres (pas des e-mails) au procureur du parquet de Tokyo. Si ce n'est pas un gachis de papier, ca?

Cette ONG n'a aucun argument ecologique valable sur ce dossier et semble ne meme pas s'en rendre compte. Par contre, leur mentalite de "justiciers du monde" est preoccupante.

ElieDeLeuze a dit…

Je me répète, mais j'ai été choqué par le cynisme de cadres de Greenpeace que j'avais rencontrés quand j'habitais à Amsterdam. Il y a bien longtemps que l'écologie n'est plus qu'un prétexte aux ambitions des uns et des autres. La fanatisation des membres de base n'est pour eux qu'un moyen comme un autre pour faire tourner la boutique.

Ils savent parfaitement qu'ils n'ont rien à argumenter. Mais ils ne se placent pas du tout dans cette optique. Greenpeace, c'est avant tout une culture anglo-américaine de la rhétorique où seul compte la polémique et la manipulation du verbe pour arriver à l'effet voulu. Greenpeace est à l'écologie ce que les tabloïdes sont au journalisme.

isanatori a dit…

Salut Elie,

Je crois qu'on a la meme opinion de l'animal qu'est Greenpeace. En tout cas, ce que je constate sur la question de la chasse a la baleine correspond tout a fait a ce que tu decris.

Moi, je trouve que Greenpeace, c'est un peu le McDonald's de l'environmentalisme. Des idees simples (a digerer) mais pas forcement bonnes pour la nature (sante). Quoiqu'il ait un cote "culte" chez Greenpeace qu'on ne trouve pas forcement chez McDo.

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je trouve assez honnête d'intituler votre rubrique "chasse à la baleine"; mais que pensez de l'extrait suivant :
"programme de recherche sur les cétacés en Antarctique" venant de l'enquète de la société maritime Kyôdô Senpaku. Pourquoi se cacher derrière le terme de "recherche" ? comment expliquer que les résultats de cette "recherche" se transforment en cadeaux de morceaux de viande de baleine... ??
Pour moi qui ait travaillé en labo de recherche, il y a un truc qui ne colle pas...

isanatori a dit…

Chere Delphine,

Les résultats de la recherche japonaise ne se transforme pas a proprement dit en "cadeaux de morceaux de viande de baleine". Seulement, l'article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse a la baleine impose que les baleines capturées dans le cadre des permis spéciaux pour la recherche soient utilisées autant que possible.

Le gouvernement du Japon autorise donc l'Institut de recherche sur les cétacés a vendre la viande issue de ces animaux pour une utilisation alimentaire. Les fonds ainsi recueillis servent a financer les expéditions suivantes.

Avouez que ce serait plutôt du gâchis de rejeter les carcasses a la mer après avoir fait les prélèvements nécessaires a la recherche.

Anonyme a dit…

Cher Isanatori,
ce serait du gachis mais en terme alimentaire seulement. Je me demande si l'argent qui émane de cette recherche n'alimente pas un commerce, et ne serve à rien de plus. J'aimerais avoir des preuves que cette recherche serve la recherche scientifique mondiale. Où peut-ton lire les rapports des scientifiques ? sont-ils publiés dans les revues internationales ?
Delphine

Unknown a dit…

Delphine,

Voilà la liste des rapports du JARPA depuis 1989 :

http://www.icrwhale.org/JARPA91paper.htm

Le but affiché du JARPA (programme en Antarctique financé par le gouvernement japonais) est de démontrer que les mots "sustainable whaling" ont un sens. Les scientifiques ont donc une thèse à défendre. On peut s'interroger sur la neutralité de ces rapports. Mais bon, je ne les ai pas lus.

Moi je pense que la vraie motivation des Japonais est plus culturelle que scientifique (d'ailleurs lisez ce blog, le mot "tradition" revient partout). La chasse à la baleine est une tradition japonaise, donc c'est quelque chose qui est perçu comme rassurant.

Le Japon est passé trop vite d'un statut de pays féodal à un pays dont la course à la technologie est totalement déshumanisée (regardez la fascination des Japonais pour les robots, ces machines qui finalement ressemblent à des hommes, ce n'est pas rien symboliquement). Je rappelle aussi que le Japon a le record du monde du taux de suicide annuel. Bref le Japon se replie sur ses traditions parce qu'il ne voit pas où est son avenir. Et ce sont donc les cétacés qui sont tués au nom de ces traditions. La recherche scientifique n'est finalement que le seul moyen dont disposait le Japon pour maintenir une tradition... Ce pays est plutôt pathétique, en définitive.

フレド a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Bonjour Gregoire,
que tu ne sois pas d'accord avec la chasse à la baleine est une chose. On peut en débattre et je pense même qu'il faut en débattre d’où mon vif intérêt pour ce blog (merci cher rédacteur). Par contre, relier l’existence de cette tradition de pêche à une soi disant déliquescence de la société japonaise confrontée à une modernité violente, c'est bien mal connaitre la société japonaise. Le Japon "ne voit pas son avenir" dit tu? D'abord quel pays, quelle société le connait son avenir? Connais-tu l’avenir de ton pays ?? En plus en matière de prévoyance et d’organisation pour l’avenir, nous autre occidentaux individualistes égocentrés, pourrions, à bien des titres, prendre exemple sur ce pays et ses habitants qui en matière d’écologie et de mobilisation collective autour de ces problématiques sont bien plus dynamiques et en avance que nous. Ce pays a probablement bien plus de ressources pour se projeter dans l’avenir que nous n’en avons pour le notre… Quant à leur fascination pour les robots, elle est bien plus ancienne et ancrée dans leur culture et leur tradition que ce que tu semble l’imaginer. Mais pour savoir tout ça, il faut s’intéresser vraiment et sortir des clichés cher Gregoire, tes arguments contre la pêche à la baleine n’en seront que plus pertinents et élèveront peut être le débat !
Fred