mercredi, février 14, 2007

Fête du sanctuaire Ukitsu Hachiôjigû à Muroto

Les 7 et 8 octobre 2006 se tenait à Muroto (département de Kôchi, île de Shikoku) la fête d'automne du sanctuaire Ukitsu Hachiôjigû 浮津八王子宮秋祭 lors de laquelle sont présentés une maquette de bateau et des chants hérités de la chasse à la baleine à la période d'Edo. La maquette est montée sur une sorte de char à roues que de jeunes hommes du quartier d'Ukitsu poussent à travers la ville en chantant et battant du tambour.

La chasse à la baleine a commencé dans le port de Tsuro vers 1625 sous l'impulsion du gouverneur local, Tada Gorôemon. Ce dernier serait issu d'une famille ayant des liens avec les suigun. Les activités de chasse à la baleine dirigée par Tada servaient également à la surveiller la côte contre d'éventuels envahisseurs et auraient duré jusqu'en 1641. Ce n'est qu'en 1660 que les kujiragumi de Tsuro 津呂 et d'Ukitsu 浮津 ont été fondé et que la chasse à la baleine est devenue une activité importante de cette région. Les deux kujiragumi échangeaient leurs zones de chasse tous les ans, l'un sur la côte ouest, l'autre sur la côte ouest du cap de Muroto. En 1683-5, les techniques de chasse aux filets ont été transmises par des gens de Taiji, d'abord au kujiragumi de Tsuro, puis à celui d'Ukitsu.

Les chants présentés lors de la fête du sanctaire Hachiôjigû sont héritées du kujiragumi d'Ukitsu et étaient entonnées par les harponneurs dits hazashi 刃刺 lors des banquets organisés par le dirigeant (kuminushi 組主) du groupe à l'occasion du début de la saison ou pour célébrer une capture. Le saké coulait à flots lors de ces banquets et il était apparemment interdit de sombrer dans l'ivresse à l'intérieur de la demeure du kuminushi, ce qui permet d'imaginer que les règles étaient très strictes dans les kujiragumi.



Le premier jour de la fête est le yoimiya. Deux vingtaines de jeunes gens poussent deux chars sur lesquels sont montés des répliques de bateaux : le hikibune 曳舟et le kujirabune 鯨舟. Ils s'arrêtent devant la porte de chaque maison et entonnent en cœur un chant au rythme du tambour (voir vidéo). Ce rituel doit apporter chance et fortune aux foyers. En échange de ce service, les habitants offrent de l'argent et des boissons aux jeunes gens. Ce processus est répété plusieurs fois de 9 heures le matin jusqu'à après minuit. Le soir, un rituel de purification est accompli par un prêtre shinto au sanctuaire. Cette période de l'année est le moment où les divinités dites kami quittent leurs sanctuaires et se réunissent à Izumo.

Lors de ce yoimiya, j'en ai profité pour faire un petit tour au sanctuaire Tsuro Ôjigû. Là, sont conservés divers peintures et maquettes évoquant les activités du kujiragumi de Tsuro. Je suis également allé dans un petit musée dédié à l'histoire de la chasse à la baleine à Muroto et où sont exposés divers outils et peintures. Bien que la chasse à la baleine ait cessé au milieu du 20e siècle à Muroto, de nombreux baleiniers et marins originaires de cette ville ont pris part aux campagnes de chasse baleinière pélagique en Antarctique ou dans le Pacifique nord. Le plus célèbre est sans doute le canonnier Izui Moriichi 泉井守一 qui détient le record de baleines harponnées ; 10.304 toutes espèces confondues.

Le lendemain, le 8 octobre était le honmiya. Des décorations de fleurs en papier ont été accrochées aux structures supérieures des chars. Après un autre rituel shintô dans l'enceinte du sanctuaire, plusieurs habitants du quartier s'y réunissent. Un défilé part du sanctuaire en direction du port de Muroto. En plus des deux bateaux, des châsses et des gens vêtus de divers costumes prennent part à la parade. Au port, les chars et châsses des différents sanctuaires locaux sont réunis. Les jeunes gens du kujirabune forment un cercle autour du joueur de tambour et entonnent assis leurs chants pendant plus de 30 minutes. Après cela, les chars et châsses retournent dans leurs sanctuaires respectifs. La fête est finie. Les jeunes hommes y ayant participé se réunissent dans une grande salle pour fêter ça et chanter une dernière fois en cœur.

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