jeudi, février 15, 2007

"L'amour des baleines" de Greenpeace - 3 et 4

Pendant que Sea Shepherd joue aux auto-tamponneuses contre les navires de la flotte baleinière japonaise en Antarctique, Greenpeace continue son approche "soft" de la question avec son feuilleton "Whale-Love Wagon". Lors du 3e épisode qui a été rendu publique jeudi dernier (8 février 2007), Ivan et Yuki sont conviés par deux grand-mères qu'ils ont rencontrées à Kyonan, à goûter des plats à base de viande de baleine. Avant de manger de la baleine frite, Ivan ne peut s'empêcher de dire que ça lui fait un peu peur car c'est la première fois qu'il y goûte. L'une des deux grand-mères le rassure en lui disant que c'est bon. Après avoir vaincu ses craintes, il répond à la dame que c'est effectivement bon...

Et c'est là que le problème se pose pour Greenpeace parce qu'apparemment, certains supporters de l'ONG ne sont pas d'accord avec le fait qu'un membre de Greenpeace mange de la baleine et dise que c'est bon. Greenpeace précise que Yuki et Ivan sont indépendants de l'ONG. Ben oui, mais "Whale-Love Wagon" est quand-même orchestré par eux non ?
Toujours est-il que sur le blog de "Whale-Love Wagon", Ivan a précisé qu'il n'aimait pas la viande de baleine. Pourtant il a dit qu'il avait trouvé ça bon aux deux dames, non ? C'était sans doute par politesse, alors...

De toute manière, la conclusion d'Ivan et Yuki devant les tombes dédiées aux baleines que les gens du kujiragumi de Katsuyama ont érigées autrefois, c'est que "la viande de baleine est consommée par des personnes âgées nostalgiques". Comme quoi on continue notre ballade dans les généralisations. Mais attendez, le quatrième épisode vaut le coup d'œil aussi.

Cette quatrième partie de "Whale-Love Wagon" emmène Ivan Rigual et Yuki Koinuma dans le port de Ônishi (ville d'Imabari, département d'Ehime). Là, des habitants ont sauvé un baleineau qui s'était échoué sur la plage trois ans auparavant. Un pêcheur ayant pris part au sauvetage explique donc à nos deux touristes comment ils s'y sont pris pour retourner l'animal à la mer. Et là, on a le droit à une question super-pertinente d'Ivan : "Lorsque vous avez découvert la baleine sur la plage, personne n'a proposé de la manger ?". Le pêcheur a répondu que non.

Conclusion de Yuki et Ivan : les Japonais aussi aiment les baleines et ne pensent pas qu'à les manger. C'est vrai qu'on aurait pu croire que les Japonais étaient des balénivores psychopathes... Heureusement que Greenpeace est là pour nous dire la "vérité".

Ce qui est intéressant sur le site de "Whale-Love Wagon", c'est que les vidéos sont accompagnées de propagande greenpeacienne qui n'a généralement pas grand rapport avec le contenu de ces premières. Cette fois-ci, on nous explique que les stocks de viande de baleine continuent d'augmenter car il n'y aurait pas de demande pour ce produit au Japon. Ca, c'est la nouvelle croisade de Greenpeace. On veut nous faire croire que les Japonais ne veulent plus de la viande de baleine. Pourtant, si l'on en croit les analyses de David @ Tokyo, la consommation de viande de baleine a augmenté d'environ 40% entre décembre 2005 et décembre 2006.

Alors que l'arrivage de viande de baleine est passé de 5832 tonnes en 2005 à 8950 tonnes en 2006 du fait de l'augmentation du quota de chasse en Antarctique (400 +/-10 rorquals de Minke jusqu'en 2005 contre 850 +/-10% rorquals de Minke et 10 rorquals communs à partir de 2006), la quantité de viande stockée à la fin décembre 2006 (3904 tonnes) n'a augmenté que de 393 tonnes par rapport au même mois de l'année précédente (3511 tonnes). Autrement dit, la quantité de viande sortant du stock est passée de 5955 tonnes en 2005 à 8558 tonnes en 2006. Cela signifie que la consommation a augmenté en réponse à l'offre, contrairement à ce que Greenpeace veut nous faire croire.

Mise à jour (17 février 2007) :
L'Affaire "Greenpeace mange de la baleine" continue de faire des vagues au sein des protecteurs des cétacés. Cette fois-ci, Sea Shepherd critique sévèrement Greenpeace après que les deux protagonistes de "Whale-Love Wagon" aient dégusté de la viande de baleine, consiférant que ces derniers "ont trahi les baleines". Rappelons que Paul Watson, fondateur et président de Sea Shepherd, est l'un des co-fondateur de Greenpeace. Il a quitté cette ONG du fait de désaccords quant aux stratégies de Greenpeace qu'il trouvait trop pacifistes.
Emiliano Ezcurra, un activiste de Greenpeace responsable de cette nouvelle campagne, aurait déclaré que Greenpeace "n'avait pas de problème avec la culture japonaise et le fait de manger de la baleine" et précisé que l'ONG ne s'opposait pas à la chasse côtière, mais à celle en Antarctique. Les Norvégiens et les Islandais qui ne chassent les baleines que près de leurs côtes seront rassurés de savoir cela.

4 commentaires:

Mitch a dit…

Bonjour, ici Michel Temman, le "journaliste à deux balles",
Votre commentaire laissé sur le site de Libération, suite à mon article, était un peu facile non ? De quelles "erreurs" parlez-vous précisément ? Merci de préciser sans vous cacher derrière un pseudo. Ne soyez pas timide ! Quand à mon "manque de professionnalisme", je vous laisse juge. Je vous mets au défi de me contacter pour débattre d'un sujet sur lequel nous n'avons pas les mêmes vues. Mon mail est : michelt@galaxy.ocn.ne.jp
Il est très facile de dénigrer comme vous le faites.
Votre blog est toutefois intéressant et mériterait un article dans la presse. Ok pour une interview ?
Oyasumi !
Michel Temman

isanatori a dit…

Monsieur Temman,

Je vous remercie de votre commentaire sur mon blog.
Le mien sur le site de Liberation etait sans doute un peu exagere au niveau de l'emploi des mots. J'ai par la suite essayer de renvoyer le meme commentaire mais sans les mots "journalisme a deux balles" ou mes references a votre confrere du Monde. Je vous prie de m'excuser pour ces paroles un peu deplacees.

Toutefois, je me permet de vous dire que votre analyse du sujet de chasse a la baleine manque d'objectivite et si je me base sur le contenu de vos articles, vous vous contentez parfois d'informations facilement accessibles sans faire plus de recherches. Je sais que vous n'etes pas un specialiste de cette question, mais ce sujet (de la chasse a la baleine) merite peut-etre une couverture un plus serieuse que la desinformation d'ONG ecologistes qui beneficient de la telegenie des cetaces pour remplir leurs caisses.

Je vais maintenant vous expliquer ce que je vous reproche dans votre traitement du sujet. En juin 2006, vous avez ecrit un article sur le restaurant Kujira-ya de Shibuya a Tokyo. Vous commencez par expliquer la nature de la cuisine servie ainsi :

"En cuisine, tout de la baleine est traité et fait maison, avec sauces et méthode : du foie au sperme, des abats aux flancs graisseux du mammifère..."

Je doute que ce restaurant serve du "sperme de baleine". J'ai rapidement jete un coup d'oeil au menu de Kujira-ya, mais n'ai trouve aucune mention de cet ingredient. Je suppose que vous avez eu une carte du menu en anglais ou il etait sans doute inscrit "Sperm Whale". Il s'agit du nom du cachalot en anglais. Personnellement, pour avoir etudie la question de la chasse a la baleine au Japon depuis pres de 7 maintenant, je ne me souviens avoir lu que les Japonais mangeaient du sperme de cetace. Neanmoins, on peut trouver des restaurants servant de la chair de testicule de baleine.

Vous continuez plus loin en expliquant :

"A en croire une vieille légende locale à l'origine de bien des massacres en haute mer, elle favoriserait force et virilité chez les petits et les ados."

J'aimerais savoir d'ou vous tirez cette legende locale. Surtout que la chasse n'a jamais ete pratiquee a Tokyo. Les ports baleiniers les plus proches se trouvaient autrefois dans le departement de Chiba, a Wada et a Choshi. Vous pouvez d'ailleurs encore assister au depecage d'une baleine a bec de Baird (espece d'odontocete hors juridiction de la CBI) dans le port de Wada tous les ans en juillet-aout. Cet evenement est volontairement ouvert au public par la societe baleiniere locale et de nombreuses agences de presses y vont.

Plus loin, vous ecrivez :

"Les clients se goinfrent de baleine de Mink et du rorqual de Bryde (le plus grand dauphin, 10 tonnes), que le Japon est autorisé à pêcher."

Outre l'orthographe de Minke, je tiens a vous preciser que le rorqual de Bryde, tout comme tous les rorquals, est un cetace a fanons, un mysticete, contrairement aux dauphins qui sont des cetaces a dents, odontocetes. De plus, le rorqual de Bryde pese generalement entre 20 et 30 tonnes a l'age adulte, information facilement verifiable en faisant une simple recherche sur Internet.
En outre, l'usage du verbe "se goinfrer" me parait deplace. Il donne l'impression que les clients de Kujira-ya mangent des quantites importantes de viande de baleine, de facon assez repugnante.

Vous citez ensuite une ONG mysterieuse :

"«L'Etat japonais ment délibérément. Mais c'est sa façon de soutenir une demande très faible et surtout de protéger la filière et l'emploi dans les ports», confie le responsable d'une ONG. Qui assure que «de la viande de baleine congelée dans les années 90 n'a toujours pas été mise en vente»."

Citer une ONG sans donner le nom de celle-ci ne me parait pas tres credible. Je doute que cette ONG se cache par crainte de represailles de la part du gouvernement japonais. En ce qui concerne la demande tres faible, l'analyse de David Stevenson, auteur du blog David@Tokyo, montre que la demande a continue d'augmente ces deeux dernieres annees. Greenpeace et les autres ONG anti-chasse jouent avec les chiffres pour creer une image fausse de dedain de la viande de baleine. Ce phenomene est vrai chez les jeunes, mais avec 20 ans de moratoire, le contraire serait etonnant.

Finalement, vous expliquez la creation de la compagnie Geishoku Lab ainsi :

"Hasard ou coïncidence, une société de négoce vient d'être créée en catimini par les autorités pour écouler ces stocks."

La creation de cette compagnie a ete annoncee dans la plupart des quotidiens japonais Asahi, Yomiuri, Mainichi. Pas vraiment en catimini donc.

Je passe a votre recent article sur la "reunion pour la normalisation de la Commission baleiniere internationale". Votre article commence par un constat d'echec...la veille du dernier jour de cette reunion, sans en connaitre les conclusions.

Vous expliquer cet echec par la decision de quelques 26 pays anti-chasse de boycotter cette reunion. Vous n'expliquez pas pourquoi ces pays ont pris cette decision. Pour avoir suivi les debats de la reunion pleniere de la CBI l'annee derniere, je peux vous dire ces pays avaient alors annonce qu'ils se rendraient a Tokyo en fevrier 2007. Il peut-etre se demander "pourquoi ce desistement ?"

Avec quasiment la moitie des pays membres presents, je ne pense pas qu'il s'agisse a proprement dit d'un "Signe de l'isolement du Japon". Au contraire, j'ai l'impression que la division de la CBI s'aggrave. Le fait que les pays opposes a la chasse aient decide de jouer les absents a cette reunion informelle ne me semble pas anodin. Ils auraient pu faire entendre leur voix lors des debats. Alors pourquoi ?

Vous mentionnez ensuite la collision entre le Kaiko-maru et le Robert Hunter ainsi :

"un baleinier nippon, le Kaiko Maru, a lancé un signal de détresse après s'être fait éperonner par un navire de l'organisation écologiste Sea Shepherd ­qualifiée d' «organisation terroriste» par un membre du gouvernement."

Comme je l'ai indique sur en commentaire a votre article, le kaiko-maru est un bateau d'observation des baleines, il n'est pas equipe de canon lance-harpon (c'est verifiable sur les photos du site de Sea Shepherd). Ce n'est pas un baleinier. Pourtant M. Watson pretend avoir voulu proteger un groupe de baleines qui nageait pres de la. Vous citez M. Watson comme estimant "depuis des années que la «chasse scientifique» nippone est «une pêche commerciale déguisée»", mais ce navire japonais etait bien la pour observer les baleines, non pour les capturer.

Plus loin vous citer les rengaines de Greenpeace et l'IFAW quant a "l'achat de votes" de petits pays par le Japon. Il ne s'agit que d'accusations qui ne depassent pas le stade de la suspicion. Vous auriez sans doute pu citer un officiel japonais dementant ces accusations. Du coup, on a l'impression que ces "achats de vote" sont un fait.
En outre, vous devriez vous interesser aux conditions dans lesquelles le nombre de pays membres a plus que double entre 1979 et 1982 et le moratoire a ete adopte par la CBI. Il me semble que le livre "The Whale War" de David May traite de cela.

Enfin, vous expliquez que la chasse a la baleine peut rapporter gros, "près de 25 millions d'euros". Precisons que selon l'Institut japonais de recherche sur les cetaces (ICR), la totalite de l'argent obtenu par la vente de la viande des baleines capturees lors de ses campagnes de chasse scientifique sert a financer les suivantes. Cet argent ne suffit d'ailleurs pas puisque l'Etat japonais doit egalement contribuer a une partie des frais (environ 1o%).

Il est vrai que l'argument japonais de "«la chasse à la baleine est, au Japon, une vieille tradition, partie intégrante de [sa] culture»" est exagere. Tout depend de la definition que l'on donne aux mots "tradition" et "culture". Cependant, cette forme de nationalisme trouve sans doute son origine dans les critiques virulentes dont les Japonais font l'objet a ce sujet.

Posez-vous la question de savoir pourquoi Greenpeace continue de dire que la reprise de la chasse commerciale a la baleine signifierait la fin des baleines. La chasse etait mal geree autrefois, c'est un fait. Les Japonais ne le nie pas. Mais si l'on s'interesse a la facon dont la chasse etait reglementee et aux nombres de pays prenant part a la chasse, on se rend compte que les choses sont totalement differentes aujourd'hui :

Il n'y a plus le systeme de quota appele "Blue Whale Unit" qui ne prenait en compte que le commerce de l'huile de baleine. (Ce BWU etablissait des equivalences entre les especes de baleines en fonction de la quantite moyenne d'huile qui pouvait en etre extrait)
Etrangement, les pays qui ont abandonne la chasse a la baleine sont celles qui ne chassaient que pour cette huile de baleine, et ce non pas par compassion pour les cetaces, mais parce que la diminution de cette ressource (et donc des quotas) et l'apparition de substitut moins cher ont fait que leurs industries baleinieres n'etaient plus rentables.

On accuse le Japon de vouloir reprendre la chasse commerciale a la baleine, mais sachez qu'il pourrait le faire en quittant la CBI et en formant un autre organe de gestion des cetaces avec les 33 pays qu'il "aurait achete". (Le cas de la NAMMCO cree par les pays scandinaves dans l'Atlantique nord est un bon exemple. Le Japon y a un statut d'observateur.)
Le fait que le Japon n'ait pas encore quitte la Commission baleiniere internationale montre sans doute qu'il desire chasser de facon reglementee et durable sous le controle des autres nations.

Voila pour mes critiques. Je m'excuse d'avance pour l'absence d'accents (clavier japonais) et les possibles fautes d'orthographe.

En ce qui concerne une interview, laissez-moi connaitre vos question et j'y reflechirai.

Cordialement.

isanatori

Anonyme a dit…

Je me demande si la consommation personnelle de l'auteur peut contribuer à gonfler les statistiques de consommation de viande de baleine ? A propos, on peut avoir des recettes ?

isanatori a dit…

Salut Voyoute,

L'auteur n'ayant pas une consommation personnelle tres frequente du produit en question, celle-ci n'a sans doute pas beaucoup d'influence sur les statistiques.

J'ai essaye de cuisiner la viande de baleine au vin, mais il faut avouer que ce n'etait pas terrible. (c'est bien meilleur avec de la joue de boeuf :)